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Principaux enjeux juridiques et commerciaux de l’industrie automobile

POINT DE VUE

Responsabilité du fait du produit et actions collectives

Comme les années précédentes, les actions collectives devraient demeurer un sujet de préoccupation pour le secteur automobile en 2021, compte tenu des efforts grandissants pour faire autoriser des groupes à l’échelle nationale. Bien que l’envergure nationale dépende, en partie, de la distribution et de la vente à l’échelle nationale de produits automobiles au Canada, en Alberta, en Saskatchewan, en Colombie-Britannique et en Ontario, la législation exige expressément que les représentants proposés avisent les représentants des autres provinces de la tenue de l’instance lorsque l’objet des réclamations ou du litige est identique ou similaire.

En ce qui a trait à la défense dans des actions collectives, on s’attend à ce qu’en 2021, les tribunaux jettent un œil plus critique sur les thèses des demandeurs quant à la responsabilité et aux dommages, en particulier sur l’articulation des défauts allégués et la démonstration d’une méthodologie viable pour évaluer et quantifier les dommages sur une base collective. Cette évolution est due en partie à des changements législatifs, dont les modifications à la Loi de 1992 sur les recours collectifs introduites en Ontario en octobre 2020, tandis qu’une jurisprudence favorable émerge dans cette même province et dans d’autres pour contester les thèses des demandeurs concernant les dommages.

La pandémie de COVID-19 peut également donner lieu à des réclamations exceptionnelles de la part des clients, telles que des réclamations pour des réparations hors garantie en raison de retards dans les rendez-vous d’entretien présumément causés par la COVID-19.

Théorie des défauts

Dans les actions collectives du secteur automobile, la théorie de la responsabilité des demandeurs repose souvent sur l’existence présumée d’un défaut dans le véhicule. La description des défauts allégués par les demandeurs manque souvent de détails, se contentant d’avancer que des pièces ou des composantes particulières situées à l’intérieur du véhicule sont « défectueuses » sans donner beaucoup plus d’information. La jurisprudence récente a établi qu’un acte de procédure tout fait ou vague concernant un défaut allégué ne satisfait pas à l’exigence selon laquelle les actes de procédure doivent révéler une cause d’action.

Par exemple, dans Kuiper v. Cook (Canada) Inc.1, un groupe proposé a demandé la certification d’une action collective concernant un dispositif médical. Les demandeurs invoquaient une défaillance du dispositif, tout en suggérant que le défaut à l’origine de cette défaillance résultait d’un [traduction] « faisceau de facteurs » tels que la forme du dispositif et le type de matériau. Les demandeurs alléguaient également que les divers facteurs à l’origine du défaut avaient rendu le dispositif [traduction] « plus dangereux à utiliser qu’il ne l’aurait été si d’autres choix de conception plus sûrs avaient été faits ».

En définitive, la Cour divisionnaire a jugé que la thèse de défaut des demandeurs était insuffisante et ne répondait pas aux critères nécessaires pour plaider de façon fondée un défaut de conception. Si les arguments des demandeurs relatifs aux parties de la conception qu’ils pensaient défectueuses étaient recevables, ceux-ci ne sont pas parvenus à articuler précisément quelle autre conception ils jugeaient plus sûre. En se contentant d’alléguer que « d’autres » conceptions auraient été plus sûres, plutôt que d’expliquer quelles auraient pu être ces autres conceptions, la procédure était vouée à l’échec. D’autres décisions récentes ont invoqué le jugement de la Cour divisionnaire pour rejeter des demandes de certification en raison de causes d’action insuffisamment fondées, notamment dans des affaires de négligence dans la conception, la mise à l’essai et la fabrication2.

Preuve des dommages

Souvent, les demandeurs d’une action collective dans le domaine de l’automobile sont incités à réclamer des dommages-intérêts sur une base collective en alléguant une « diminution de la valeur » ou d’autres formes de dommages-intérêts collectifs. Dans ces circonstances, les demandeurs sont tenus de produire une méthodologie crédible ou « réalisable » pour évaluer les dommages allégués sur une base collective. Récemment, les tribunaux ont mis de plus en plus l’accent sur la nécessité de produire une « méthodologie crédible et plausible » permettant de prouver les dommages communs à tous les membres du groupe, jugeant qu’une méthodologie théorique ou hypothétique est insuffisante3.

Dans Maginnis and Magnaye v. FCA Canada et al.4, un groupe proposé réclamait des dommages-intérêts relativement à un « dispositif de manipulation » des émissions qui avait déjà été réparé par le fabricant sans frais pour les clients. Les demandeurs soutenaient avoir acheté les véhicules sans être au courant du problème d’émissions, arguant que s’ils avaient connu l’existence de ce problème, ils ne les auraient pas achetés. Ils ont également fait valoir qu’ils avaient payé un « prix plus élevé » pour des véhicules diesel qu’ils pensaient conformes aux normes d’émissions et que la réparation gratuite avait entraîné des pertes en économies de carburant et en rendement du véhicule. Le tribunal a estimé qu’il n’y avait aucun préjudice indemnisable ni de base pour certifier une action collective.

Si la Cour a reconnu que des demandes d’indemnisation pour perte sont [traduction] « tout à fait recevables » même lorsqu’un produit défectueux a été réparé, la perte invoquée doit être présentée [traduction] « avec un minimum de réflexion, par les bons demandeurs et, bien sûr, avec au moins quelques éléments de preuve ». Les démarches des demandeurs consistant à invoquer le règlement d’une action parallèle aux États-Unis n’ont pas suffi pour appuyer la demande de dommages-intérêts au Canada et il n’y avait aucune preuve que l’un des membres du groupe avait payé un [traduction] « prix supérieur » pour le dispositif de manipulation des émissions de son véhicule. Par ailleurs, la réparation gratuite leur a permis d’obtenir un véhicule conforme aux normes d’émissions dont la juste valeur marchande n’a pas été affectée par le dispositif de manipulation des émissions. De même, le tribunal n’a été saisi d’aucun élément de preuve indiquant que la réparation du dispositif de manipulation des émissions avait nui aux économies en carburant ou au rendement des véhicules. En conséquence, le tribunal a conclu qu’une thèse portant sur ce qui « pourrait » se produire et la production d’une méthodologie sur la façon de vérifier si cela s’est produit ne constituent [traduction] « en rien une preuve que quelque chose s’est effectivement produit ».

Fortin c. Mazda5, une action collective intentée au Québec, portait sur un défaut présumé du système de verrouillage des portières des véhicules. Comme dans Maginnis, Mazda avait corrigé le problème gratuitement pour ses clients. L’argument du demandeur, fondé sur la Loi sur la protection du consommateur, était que les clients paieraient un prix moins cher pour des véhicules présentant le défaut allégué que celui qu’ils auraient payé si le défaut n’avait jamais existé. Pour étayer cette thèse, le demandeur a produit une preuve d’expert sous la forme d’une enquête demandant aux consommateurs quel niveau d’indemnisation serait jugé approprié pour compenser le dysfonctionnement du système de verrouillage d’un véhicule. En définitive, ces demandes en dommages-intérêts et la méthodologie du demandeur ont été rejetées par le tribunal, qui a confirmé que les demandeurs invoquant une violation de la Loi sur la protection du consommateur devaient néanmoins prouver des « répercussions financières réelles » sur les clients, comme la perte de valeur alléguée des véhicules concernés.

Il y a tout lieu d’espérer que les tribunaux continueront à examiner dans le détail les affaires alléguant des dommages à l’échelle d’un groupe ne présentant pas de thèses suffisamment fondées quant aux dommages, ni de méthodologies réalisables pour évaluer de tels dommages.

Violation de garantie

Dans le contexte actuel de la COVID-19, on s’attend à ce que les constructeurs automobiles se trouvent aux prises avec un volume accru de réclamations découlant des garanties offertes avec leurs véhicules. En général, les garanties applicables aux véhicules sont d’une durée limitée (par exemple trois ans ou 60 000 kilomètres, selon la première de ces éventualités) et excluent toute protection lorsque les clients ne font pas réviser ou réparer leur véhicule dans un délai raisonnable. Bien que les réclamations de clients invoquant des défaillances de pièces garanties peu après l’expiration des périodes de garantie ne soient pas exceptionnelles, nous nous attendons à un accroissement du nombre de ces réclamations en raison des risques et des restrictions liés à la COVID-19 au Canada. Ainsi, il pourrait arriver que des clients ne se sentent pas à l’aise de faire inspecter leurs véhicules chez des concessionnaires agréés ou ne souhaitent pas le faire, malgré les mesures de précaution raisonnables et appropriées mises en place. Des restrictions imposées par le gouvernement pourraient également dissuader les clients de se présenter à des rendez-vous d’inspection ou de réparation.

Si une augmentation du nombre de ces réclamations est à envisager, leur évaluation devrait être fortement axée sur les faits, les décisions relatives à l’extension de la garantie ou à la survaleur étant considérées au cas par cas.

 


1 Kuiper v. Cook (Canada) Inc., 2020 ONSC 128 (Cour divisionnaire de l’Ontario)

2 Williamson v. Johnson & Johnson, 2020 BCSC 1746

3 Kett v. Mitsubishi Materials Corporation, 2020 BCSC 1879, par. 159; Pro-Sys Consultants Ltd. c. Microsoft Corporation, 2013 CSC 57

4 2020 ONSC 5462 (« Maginnis »)

5 2020 QCCS 4270

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