Le 15 mars 2021, la Cour d’appel du Québec a rendu sa décision, rédigée par l’honorable juge Stéphane Sansfaçon, dans l’appel intenté par la représentante de l’action collective Pilon c. Banque Amex du Canada concernant les dépassements des limites de cartes de crédit.
BLG, qui a joué un rôle de chef de file tout au long du dossier, représentait la Banque de Montréal, la Banque de Nouvelle-Écosse, la Banque Tangerine et la Banque le Choix du Président. Son équipe était composée de Guy Pratte, de Mathieu Lévesque, de Patrick Plante, d’Anais Bussières McNicoll, d’Alex De Zordo, de Jean Saint-Onge, de Karine Chênevert, d’Anne Merminod et d’Alexandra Hébert. Les banques défenderesses ont ultimement obtenu gain de cause, la demande en autorisation de l’action collective ayant été rejetée.
Mélissa Pilon (la demanderesse) demandait l’autorisation d’intenter une action collective contre 16 banques ainsi que la Fédération des Caisses Desjardins du Québec. Elle avançait qu’en permettant aux détenteurs de cartes de crédit d’effectuer des transactions qui leur font dépasser la limite de crédit indiquée dans leur contrat, les intimées se livraient à des pratiques illégales entraînant des conséquences préjudiciables pour les consommateurs, comme le surendettement. Elle alléguait également qu’en autorisant de tels dépassements, ces dernières contrevenaient aux lois canadiennes et québécoises en la matière. Le 23 août 2019, le juge Pierre Gagnon avait rejeté la (..) demande en autorisation d’exercer une action collective déposée en Cour supérieure par Mme Pilon, se rangeant aux arguments des avocats de BLG selon lesquels l’autorisation d’un dépassement de la limite de crédit dans le cadre d’une opération bancaire ne constitue pas (...) une augmentation de la limite de crédit consentie.
Décision
Citant la récente décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., la Cour d’appel a déterminé que le juge pouvait, à l’étape de l’autorisation, trancher sur une pure question de droit dont dépendait le sort de l’action projetée même si les faits allégués étaient tenus pour avérés. La Cour a par ailleurs statué que rien n’empêchait le juge saisi de la demande de répondre à une question de droit plus poussée, puis de mener une analyse juridique détaillée et exhaustive. Cette précision aura un effet revigorant sur le processus d’autorisation, qui est essentiellement considéré comme un système de filtrage visant à exclure les allégations clairement non fondées en droit. En outre, la Cour a conclu que le juge de première instance n’avait pas erré en décidant de résoudre la question de droit dès l’étape de l’autorisation. Compte tenu de ce qui suit, la Cour a rejeté avec dépens l’appel de Mme Pilon.
Conclusions
A) En vertu de la législation québécoise
La Cour d’appel a d’abord maintenu la décision du juge Gagnon selon laquelle l’article 128 de la Loi sur la protection du consommateur (« LPC ») – dans son ancienne version en vigueur jusqu’au 31 juillet 2019 – n’interdisait pas aux institutions d’autoriser des opérations dépassant la limite de crédit, mais bien d’augmenter la limite de crédit de manière unilatérale. La Cour s’est notamment penchée sur l’article 128 de la LPC en tenant compte des récentes modifications apportées en réponse au projet de loi no 134. En effet, depuis le 1er août 2019, la LPC encadre plus étroitement les opérations occasionnant des dépassements, sans toutefois les interdire, conformément aux débats parlementaires cités. La Cour a donc déterminé que les faits allégués ne paraissaient pas justifier les conclusions recherchées et que la demanderesse ne satisfaisait pas aux exigences de l’article 575 (2) du Code de procédure civile (« CPC »).
B) En vertu de la législation canadienne
En vertu des lois fédérales, la Cour d’appel a conclu que l’article 5 du Règlement sur les pratiques commerciales en matière de crédit (banques, banques étrangères autorisées, sociétés de fiducie et de prêt, associations de détail, sociétés d’assurances canadiennes et sociétés d’assurances étrangères (le « Règlement fédéral ») n’interdisait pas aux banques de traiter des opérations entraînant des dépassements et de facturer des frais en conséquence. La Cour a accueilli les observations de BLG selon lesquelles l’autorisation d’une opération qui cause un dépassement ne saurait s’apparenter à une augmentation de limite de crédit, qui doit se faire avec le consentement exprès du client concerné.
Tirant les mêmes conclusions qu’en droit provincial, la Cour a estimé que les faits allégués ne paraissaient pas justifier les conclusions recherchées sur la base du Règlement fédéral et que la demanderesse ne satisfaisait donc pas aux exigences de l’article 575 (2) du CPC.
C) Décision de la Cour
À la lumière de ce qui précède, la Cour n’a pas jugé nécessaire de rendre une décision relativement à la capacité de Mme Pilon à représenter les membres de l’action collective putative.
Points à retenir
Cette décision vient affirmer qu’un juge peut, à son entière discrétion, trancher une pure question de droit à l’étape de l’autorisation. Elle précise également qu’une question de droit dite « pure » ne doit pas nécessairement être simple à résoudre; certaines questions de droit plus complexes peuvent aussi être résolues par un juge saisi de la demande, qui est habilité à mener une analyse juridique détaillée et exhaustive.