une main qui tient une guitare

Perspectives

Les récentes modifications apportées aux dispositions sur l’aide médicale à mourir

Le projet de loi C-7, qui vise à modifier les dispositions du Code criminel sur l’aide médicale à mourir, a reçu la sanction royale le 17 mars 2021.

Après l’adoption de l’aide médicale à mourir en 2016 au Canada, des affaires ont été introduites pour contester le critère d’admissibilité d’une « mort naturelle raisonnablement prévisible » énoncé au paragraphe 241.2(2) du Code criminel. Le projet de loi C-7 a été déposé en réponse à l’affaire Truchon c. Procureur général du Canada, une décision de la Cour supérieure du Québec qui soutient que le critère de mort naturelle raisonnablement prévisible contrevient au droit à la vie prévu à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. Le tribunal a rendu cette décision à la lumière du fait qu’autrement, des personnes qui répondent à tous les autres critères, dont celui de la souffrance intolérable, pourraient être incitées à mettre fin à leur vie prématurément par des moyens moins dignes. 

Les modifications sont entrées en vigueur le 17 mars 2021. Les anciens critères d’admissibilité ont été conservés, mais les mesures de sauvegarde procédurales existantes pour les personnes dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible ont été réduites, et de nouvelles mesures de sauvegarde plus strictes ont été ajoutées pour celles dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible.

Il est déjà reconnu par les tribunaux et les experts qu’une personne n’a pas besoin d’avoir reçu de diagnostic de maladie mortelle ou en phase terminale pour que sa mort soit raisonnablement prévisible, mais plutôt qu’elle doit, vu l’ensemble des circonstances, être en trajectoire de fin de vie. 

Critères d’admissibilité

Le Code criminel prévoit toujours que pour être admissible, une personne doit être majeure, capable de prendre des décisions en ce qui concerne sa santé et être affectée par des problèmes de santé graves et irrémédiables, définis comme suit :

  • être atteint d’une maladie, d’une affection ou d’un handicap grave et incurable;
  • avoir une situation médicale qui se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités;
  • avoir des problèmes de santé qui lui causent des souffrances physiques ou psychologiques qui lui sont intolérables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu’elle juge acceptables.

Pour l’heure, la loi indique que la maladie mentale n’est pas considérée comme une maladie, une affection ou un handicap aux fins des critères d’admissibilité. Toutefois, cette disposition sera abrogée dans deux ans; des experts donneront alors des avis supplémentaires sur la question (voir la section « Futurs développements »). Cela ne veut pas dire qu’une personne atteinte d’une maladie mentale ne peut pas recevoir l’aide médicale à mourir; elle doit cependant avoir une autre maladie, une affection ou un handicap afin d’être admissible, en plus, bien sûr, de pouvoir donner son consentement éclairé. Auparavant, le critère d’une mort naturelle raisonnablement prévisible servait à exclure les personnes qui avaient uniquement une maladie mentale sans maladie physique.

La personne doit avoir fait une demande volontaire d’aide médicale à mourir et donné son consentement éclairé, après avoir été informée des moyens disponibles pour soulager ses souffrances.

Exigences procédurales

La loi prévoit différentes exigences procédurales, selon que la mort de la personne est raisonnablement prévisible ou non. Toutefois, dans tous les cas, une demande d’aide médicale à mourir doit être présentée par écrit et signée par un témoin indépendant (au lieu de deux, comme c’était le cas auparavant) après que la personne eut été informée d’un problème de santé grave et irrémédiable. De plus, le témoin indépendant peut maintenant participer directement aux soins de santé ou aux soins personnels prodigués à la personne, tant qu’il s’agit de son occupation principale et qu’il est rémunéré pour cette tâche. Cela veut dire qu’un employé qui fournit des soins directs (comme un préposé aux bénéficiaires ou un infirmier soignant) peut désormais agir comme témoin. Ce changement vise à ce que le recours obligatoire à un témoin indépendant (généralement un ami proche) ne soit pas un obstacle à l’obtention de l’aide médicale à mourir, en particulier à l’heure actuelle, vu les restrictions de visites dans les hôpitaux et les résidences pour aînés. Cela étant, il ne doit être ni obligatoire ni interdit pour une infirmière ou tout autre employé d’agir comme témoin.

La personne souhaitant obtenir l’aide médicale à mourir doit être informée des moyens disponibles pour soulager ses souffrances (soins palliatifs), et des consultations avec des professionnels compétents offrant des services de consultation psychologique, des services de soutien en santé mentale, des services de soutien aux personnes handicapées ou des services communautaires doivent être offertes aux personnes dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible. Les professionnels qui effectuent l’évaluation doivent s’entendre sur le fait que la personne a sérieusement envisagé les moyens raisonnables et disponibles pour soulager ses souffrances.

Pour les personnes dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible, une évaluation doit être effectuée par deux infirmiers praticiens ou médecins indépendants pour confirmer que tous les critères d’admissibilité sont respectés. La personne doit alors être informée qu’elle peut retirer son consentement en tout temps, de quelque manière que ce soit. Le délai obligatoire de dix jours entre la demande et la prestation de l’aide médicale à mourir a été supprimé. On a estimé que la plupart des personnes dont le décès est imminent et qui sont considérées comme admissibles sont certaines de leur décision et que cette période d’attente ne faisait que prolonger inutilement leurs souffrances. Un délai peut être prévu, s’il y a lieu; ce n’est simplement plus obligatoire.

Un délai supplémentaire est toutefois prévu pour les personnes dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible. Si les deux professionnels responsables de l’évaluation n’ont pas l’expertise requise pour évaluer la condition à l’origine des souffrances de la personne, ceux-ci doivent faire appel à un troisième professionnel, qui leur communiquera les résultats de son analyse. Ce spécialiste pourra déterminer la nature du problème de santé de la personne, son évolution, sa gravité, son caractère irrémédiable et les moyens de soulager les souffrances de la personne, qu’ils aient déjà été essayés ou non. Il n’est pas tenu de faire une évaluation ni de fournir l’aide médicale à mourir; il agit seulement à titre de consultant dans le but de dissiper les doutes des autres professionnels. Un délai de 90 jours doit s’écouler entre la demande et la prestation de l’aide médicale à mourir. Ce délai peut toutefois être raccourci si la perte de capacité à donner son consentement est imminente.

Dans les deux circonstances, la personne doit avoir l’occasion de retirer son consentement et doit donner expressément son consentement avant de recevoir l’aide médicale à mourir, sauf dans un cas. Le projet de loi prévoit un mécanisme de renonciation au consentement final pour les personnes dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible. Si une personne qui répond à tous les critères d’admissibilité et de procédure est informée par des professionnels que sa perte de capacité à donner son consentement est imminente, elle peut signer une entente écrite avec un médecin ou un infirmier praticien pour recevoir l’aide médicale à mourir à une date convenue et donner à l’avance son consentement, au cas où elle perdrait sa capacité à le faire avant cette date. Bien que la loi ne prévoie rien à cet effet, on présume que la date convenue pourra être modifiée par écrit en fonction de la progression de la situation. Si la personne perd sa capacité de consentement, mais ne refuse pas l’administration de la substance par des mots, des sons ou des gestes, l’aide médicale à mourir peut lui être fournie conformément à l’entente, même si elle n’a plus la capacité d’exprimer son consentement final.

Le consentement préalable est aussi maintenant permis si la personne choisit de s’administrer elle-même la substance qui causera son décès. Le patient qui choisit l’auto-administration peut conclure une entente écrite avec son fournisseur de soins, qui autorise le médecin ou l’infirmier praticien à lui administrer une deuxième substance pour compléter le processus s’il ne meurt pas dans une période déterminée et perd sa capacité à consentir.  L’auto-administration a jusqu’à maintenant été très rare au Canada, et on estime que cette disposition permettra d’éliminer certaines hésitations.

Renseignements à fournir

Le projet de loi C-7 impose la transmission de plus de renseignements et oblige notamment les personnes qui effectuent des évaluations préliminaires à signaler toutes les évaluations réalisées, et non seulement les cas où une aide médicale à mourir a été administrée. Les pharmaciens et techniciens en pharmacie doivent également produire un rapport chaque fois qu’une substance en lien avec la prestation de l’aide médicale à mourir est fournie. On estime que ces données « en amont » permettront de brosser un portrait plus complet des enjeux d’admissibilité et d’accès, le cas échéant. Le ministre de la Santé disposera en outre de pouvoirs de réglementation accrus; il pourra ainsi recueillir des données sur l’origine ethnique, l’identité autochtone et le handicap afin de déterminer s’il existe des inégalités ou des désavantages individuels ou systémiques dans la prestation de l’aide médicale à mourir.

Futurs développements

Les dernières modifications ne marquent certainement pas la fin des développements législatifs en matière d’aide médicale à mourir au Canada. Le projet de loi-C-7 exige qu’un examen soit mené par des experts sur les protocoles, les lignes directrices et les mesures de sauvegarde recommandés pour les demandes d’aide médicale à mourir de personnes atteintes d’une maladie mentale. Des recommandations devront être déposées dans la prochaine année. Un comité parlementaire doit aussi entamer, d’ici 30 jours, un examen sur l’application des dispositions du Code criminel sur l’aide médicale à mourir et les enjeux liés aux mineurs matures, aux demandes préalables, à la maladie mentale, à l’état des soins palliatifs au Canada et à la protection des Canadiens ayant un handicap.

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