Le virus de la COVID-19, aussi appelé coronavirus de Wuhan, est un sérieux problème de santé publique. À cet égard, les employeurs seront aux premières lignes d’une multitude d’enjeux qui pourraient gravement perturber l’activité économique. Ils seraient donc bien avisés de se préparer à la gestion situationnelle du coronavirus en Amérique du Nord.
La prudence commande de se préparer à une éventuelle épidémie en Amérique du Nord
Le 28 février 2020, l’administratrice en chef de la santé publique du Canada a écrit sur Twitter que les Canadiens devraient agir pour être prêts en cas d’épidémie plus importante. Ce conseil est en droite ligne avec l’avis de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) qui, plus tôt dans la journée, avait indiqué que le risque mondial relatif à la COVID-19 était très élevé, plus de 85 000 cas et 2 900 décès ayant été déclarés à ce jour et le virus continuant de se répandre dans le monde. Il cadre également avec le fait que des cas confirmés ont été répertoriés dans plus de 60 pays, certains présentant une transmission communautaire potentielle ou publiquement déclarée.
La transmission communautaire s’entend de l’acquisition de la maladie par une exposition inconnue dans la communauté. En général, tous les pays recourent en premier lieu au confinement, c’est-à-dire l’emploi de mesures actives pour trouver chaque personne ayant eu un contact direct avec une personne malade, ce qu’on appelle également la recherche des contacts.
Le confinement devient toutefois plus complexe à mesure que la transmission communautaire gagne un plus grand nombre de pays. À un certain moment, il peut être opportun de passer du confinement à l’atténuation de la situation.
À l’heure actuelle, il n’existe aucun vaccin offrant une protection contre la COVID-19. Les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis (CDC) indiquent que les interventions non pharmaceutiques (INP) seront les principaux outils à employer. Les INP se déclinent en trois catégories :
- les INP personnelles, soit les mesures de protection personnelles, comme le lavage des mains;
- les INP communautaires, soit les mesures d’isolement des malades;
- les INP environnementales, soit les mesures de nettoyage des surfaces.
Chaque employeur devra déterminer quelles INP conviennent à ses activités.
Au cours de la dernière semaine de février 2020, les CDC ont confirmé la possibilité de cas de transmission communautaire aux États-Unis. Bien qu’à ce jour, aucun des cas confirmés au Canada ne soit issu d’une transmission communautaire, l’administratrice en chef de la santé publique a prudemment indiqué que le Canada envisageait désormais de surveiller la transmission communautaire de la COVID-19 au pays.
Nous pouvons certes espérer que les cas de transmission communautaire seront peu nombreux aux États-Unis et inexistants au Canada. Cependant, les employeurs du Canada et des États-Unis feraient bien de se préparer à la gestion situationnelle d’une éventuelle épidémie.
Mesures concrètes et pratiques de gestion situationnelle pour les employeurs
Les employeurs peuvent prendre les principales mesures concrètes qui suivent en prévision de l’éventuelle « épidémie plus importante » évoquée par l’administratrice de la santé publique du Canada. Advenant une épidémie, les employeurs devraient envisager la mise en œuvre immédiate de ces mesures.
1. Examiner les questions liées à l’emploi (notamment la continuité des activités) pouvant survenir ainsi que leurs incidences juridiques. Voici des exemples de questions liées à l’emploi qui devraient être examinées.
- Mesures préventives à prendre dans l’immédiat. Les employeurs peuvent prendre plusieurs mesures préventives dès maintenant :
- Rappeler aux employés l’étiquette respiratoire et les règles d’hygiène des mains.
- Inciter les employés malades à rester à la maison.
- Nettoyer régulièrement les surfaces.
- Demander aux employés de prendre certaines mesures avant de voyager, comme informer l’employeur de leur destination.
- Envisager de limiter les voyages d’affaires vers certains pays ou certaines régions.
- Inciter les employés à informer l’employeur s’ils doivent subir des tests de dépistage de la COVID-19, en particulier s’ils ont eu des contacts avec autrui au travail.
- Inciter les employés à informer l’employeur si un membre de leur foyer est atteint de la COVID-19.
- Informer les employés que le risque d’être gravement malade est plus élevé pour certaines personnes, comme les aînés et les personnes ayant un problème de santé chronique.
- Inciter les employés vulnérables pouvant présenter un risque plus élevé de subir des complications dues à la COVID-19 à informer l’employeur afin que ce dernier puisse décider en toute connaissance de cause s’il y a lieu de prendre des précautions supplémentaires.
- Offrir de la formation complémentaire aux employés afin qu’ils puissent remplir les fonctions essentielles en cas d’absences.
- Rappeler aux employés les risques liés à la cybersécurité découlant de la COVID-19, dont l’hameçonnage par courriel.
- Étudier la possibilité d’instaurer un horaire variable (heures d’arrivée décalées, quarts, etc.), le travail à distance ou d’autres modalités de travail à l’extérieur et, si nécessaire, mettre à niveau et à l’essai dès maintenant les technologies requises pour ces modalités de travail.
- Communiquer avec les principaux fournisseurs pour s’assurer que la livraison de biens et la prestation de services de l’entreprise seront ininterrompues pendant une éventuelle épidémie.
- Créer des politiques relatives aux ressources humaines ou actualiser celles qui existent déjà (notamment celles ayant trait aux congés légaux et discrétionnaires et aux obligations légales connexes), les plans de continuité des activités et les plans d’intervention en cas de pandémie (concernant notamment la question de savoir qui, dans la structure hiérarchique, peut décider de fermer des établissements).
- Évaluer si l’entreprise dispose actuellement, et si elle disposera pendant une éventuelle épidémie, d’une quantité suffisante de stocks et de fournitures, notamment de produits de santé et de sécurité (mouchoirs, récipients à ordures sans contact, savon et eau, nettoyants pour surfaces, lingettes jetables, désinfectant pour les mains, etc.).
- Un employé se présente au travail malade. Tout employé qui se présente au travail avec des symptômes respiratoires aigus manifestes (toux, essoufflement, etc.) devrait être séparé des autres employés ou, s’il y a lieu, être renvoyé à la maison sur-le-champ.
- Un employé refuse de travailler pour des raisons de sécurité, un employé revient d’une région qui compte des cas déclarés de COVID-19 et/ou qui présente des signes de transmission communautaire ou un employé informe l’employeur qu’un membre de son foyer fait l’objet de tests de dépistage de la COVID-19. Ces situations appellent un examen au cas par cas. L’employeur devra s’en rapporter avant tout aux lois sur la santé et la sécurité au travail, aux lois sur les normes du travail et aux directives de santé publique émanant d’une source fiable. Il devra en outre porter une grande attention au contexte. L’environnement de travail diffère sensiblement selon qu’il s’agit d’une salle d’urgence, d’un bureau de services professionnels typique ou de la cabine d’un avion. Une région comptant des milliers de cas de transmission communautaire ne présente peut-être pas le même contexte qu’une région comptant un seul cas déclaré qui n’est pas dû à une transmission communautaire. Les points à examiner concernant un employé peuvent quant à eux différer en fonction du nombre de contacts en personne que ses fonctions exigent. Le contexte est important.
- Un employé exerce de la discrimination contre un collègue sur la base de la race ou d’un autre motif illicite. Les employeurs ont l’obligation générale de maintenir un milieu de travail exempt de discrimination. Ils doivent s’opposer sans tarder et avec fermeté à tout comportement discriminatoire d’un employé.
- Grand nombre d’absences. Les entreprises doivent déterminer comment elles composeraient avec un nombre élevé d’absences, notamment pour cause d’isolement volontaire ou de quarantaine obligatoire. Elles pourraient, par exemple, demander aux employés de faire des heures supplémentaires, embaucher des employés temporaires aux termes de contrats de travail adéquats afin d’atténuer le risque ou faire appel à une agence de placement pour obtenir des travailleurs temporaires.
2. Évaluer la nature de l’entreprise. Il est primordial de réaliser une évaluation objective de l’entreprise et des facteurs de risque propres au milieu de travail. Par exemple, comme nous l’avons écrit plutôt cette année dans notre article intitulé Novel Coronavirus Outbreak: Legal and Practical Insights and Perspectives (en anglais seulement), le secteur hospitalier doit composer avec ses propres enjeux cliniques et juridiques. Les commerces de détail, où se produisent un grand nombre de contacts en personne avec les membres du grand public, présenteront des enjeux passablement différents des entreprises qui n’emploient que des travailleurs à distance. Des enjeux très particuliers se rattacheront également aux établissements de soins de longue durée, aux maisons de retraite et aux transporteurs aériens. Les mesures nécessaires ou appropriées varieront suivant le secteur de l’entreprise en cause. Encore une fois, le contexte sera important. De plus, selon la nature de l’entreprise, le problème de la COVID-19 pourrait avoir des incidences commerciales plus larges, notamment sur les opérations commerciales, les contrats avec d’autres parties et les chaînes d’approvisionnement.
3. Repérer les sources fiables pour obtenir de l’information et des conseils. Dans le contexte d’incertitude qui a cours, il est important de baser ses actions sur des données probantes et des faits. Au nombre des sources fiables figurent les organismes médicaux spécialisés, comme l’Agence de la santé publique du Canada, les autorités de la santé provinciales et locales, comme le BC Centre for Disease Control, la Direction générale de la santé publique du Québec, Santé publique Ontario et le Bureau de santé publique de Toronto, ainsi que les CDC et l’OMS. Étant donné qu’Internet déborde de fausses informations, les employeurs sont invités à user de prudence avant de se fier à des sources non gouvernementales.
Les cadres, notamment les hauts dirigeants et les chefs des services juridiques et des ressources humaines, devraient envisager de prendre ces mesures concrètes dès maintenant. Les politiques en matière de ressources humaines, plans d’intervention en cas de pandémie et plans de continuité des activités devraient être évalués et actualisés régulièrement, surtout dans un contexte comme celui-ci, où il faut avant tout se refuser à l’insouciance.
Pour obtenir des conseils en matière de droit du travail et de l’emploi concernant les questions juridiques liées au virus de la COVID-19, veuillez communiquer avec nos contacts connexes mentionnés ci-dessous, qui sont disponibles pour vous aider à naviguer à travers ces temps sans précédent.