En cette période d’incertitude, il n’est pas toujours facile d’établir ses objectifs d’affaires. Si certaines entreprises doivent fermer leurs portes ou interrompre leurs activités, les obligations environnementales, elles, demeurent en vigueur. Que vos obligations de conformité découlent de lois ou de règlements gouvernementaux ou qu’elles soient le fait de normes internes ou d’ententes, il importe de les circonscrire dès que possible pour vous permettre de gérer l’incidence la pandémie sur vos activités.
Plusieurs provinces canadiennes ont ordonné la fermeture de tous les milieux de travail non essentiels pour lutter contre la propagation de la COVID-19, mais la définition d’activité essentielle varie d’une province à l’autre. Des tribunaux et bureaux gouvernementaux fonctionnent à capacité réduite et certaines audiences en personne seront carrément reportées.
Dans un contexte tumultueux qui voit l’émergence de nouvelles mesures d’urgence chaque jour, ce bulletin se veut un point de départ quant aux mesures à prendre en considération pour protéger votre entreprise des répercussions d’une éventuelle non-conformité, notamment des sanctions réglementaires.
Ce que vous devez savoir
Application des conditions liées aux approbations et aux permis
Même si l’initiative prise par l’Environmental Protection Agency des États-Unis de suspendre l’application de certaines obligations dans de nombreux secteurs a retenu l’attention, les entreprises canadiennes doivent tenir pour acquis que les obligations en matière de surveillance, de communication d’information et de contrôle des émissions continuent de s’appliquer. Celles qui ont des installations pour lesquelles elles prévoient n’être peut-être pas en mesure de respecter les conditions habituelles en matière d’approbation pourraient s’adresser au cas par cas aux organismes de réglementation, mais il ne faut pas présumer qu’elles réussiront à s’y soustraire.
Les échéances en matière de conformité ne sont pas nécessairement levées
Plusieurs provinces, dont la Colombie-Britannique, l’Ontario et le Québec, ont suspendu les délais de prescription et les échéanciers relatifs aux procédures judiciaires pour la durée pendant laquelle l’état d’urgence s’appliquera. Ainsi, le délai pour entreprendre une action est plus long, mais il n’en va pas de même pour les échéances contenues dans les arrêtés ministériels. Nous avons connaissance d’au moins une occasion où le ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs de l’Ontario (le « MEPP ») a indiqué que les échéanciers découlant d’arrêtés n’étaient pas nécessairement prolongés mais où il était tout de même prêt à consentir des délais plus longs sur une base discrétionnaire. Il serait donc prudent de demander une prorogation dans les cas où des échéances en vertu d’arrêtés ou des approbations sont à venir.
Par ailleurs, ni le MEPP de l’Ontario ni le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec (le « MELCC ») n’ont publié de directive générale relativement au report des obligations en matière de communication de l’information. À noter également que la période de contestation des sanctions administratives pécuniaires n’est pas modifiée de façon générale; nous savons toutefois qu’au cours de la semaine du 22 mars 2020, le MELCC a commencé à envoyer des courriels ciblés pour indiquer le report d’obligations réglementaires qui devaient être satisfaites pour le 1er avril. Selon nous, les entreprises devraient supposer que le délai s’appliquant à la communication d’information n’est pas allongé tant qu’elles n’auront pas reçu directement de courriel ou de directives officielles.
Ce qui est « essentiel » dans une province ne l’est pas nécessairement ailleurs
La définition de « service essentiel » relève de la juridiction provinciale. Il est important de demeurer au fait de la liste de ces services dans chaque province où votre entreprise exerce des activités pour savoir quels employés peuvent continuer de se présenter en personne au travail et quelles activités doivent au contraire se faire entièrement à distance.
Par exemple, tant le Québec que l’Ontario ont déclaré que les « services environnementaux » constituaient des services essentiels. Selon la définition ontarienne, sont visées « les entreprises qui appuient la gestion et la surveillance environnementale ainsi que le nettoyage et l’intervention en cas de déversement, notamment les sociétés de conseil en environnement, les ingénieurs professionnels et les géoscientifiques, les transporteurs de fosses septiques, les foreurs de puits, les applicateurs de pesticides et les exterminateurs, les entreprises de gestion des eaux usées et d’effluents industriels (par exemple, pour les opérations minières) et les laboratoires environnementaux ». En vertu de cette définition, une bien plus grande proportion du travail de terrain pourra se poursuivre pendant l’état d’urgence en Ontario qu’au Québec, où les services environnementaux autorisés se limitent à ceux fournis par les « entreprises associées aux urgences environnementales ».
Du point de vue pratique, bien que les services environnementaux soient jugés comme essentiels en Ontario, les entreprises devraient se tenir prêtes à voir leur capacité réduite par suite de l’incidence sur leurs activités de la réduction de leurs effectifs ou de pénuries de matériel. Des entrepreneurs pourraient refuser d’envoyer leurs effectifs sur certains sites et des délais dans l’exécution des projets sont à prévoir.
Au Québec comme en Ontario, les services gouvernementaux comme l’émission de licences et de permis sont exemptés des fermetures; l’accès aux représentants du gouvernement pour ce qui touche les permis et les demandes devrait être maintenu. Dans les faits, toutefois, la capacité des autorités de répondre aux demandes et de procéder à leur traitement pourrait varier d’un endroit à l’autre en fonction des capacités locales étant donné que plusieurs bureaux ne disposent pas d’accès à distance pour l’ensemble de leurs effectifs.
Obligations contractuelles découlant d’ententes environnementales
Les entreprises peuvent également être assujetties à des obligations qui émanent d’ententes avec des tierces parties ou des administrations publiques comme des plans de remise en état, des ententes de réhabilitation, des garanties financières, des représentations et des garanties découlant d’une opération ou de conditions préexistantes. La mesure dans laquelle les parties arriveront à remplir leurs obligations dépendra de facteurs qui peuvent échapper à leur contrôle, notamment la disponibilité de consultants externes ou la fermeture d’installations.
Le recours applicable variera dans chaque circonstance et devra faire l’objet d’une évaluation au cas par cas. Dans l’état d’urgence qui a cours actuellement, une clause de force majeure pourrait être invoquée lorsqu’une situation imprévue et extraordinaire rend impossible la conformité aux modalités d’un contrat. Comme nous en avons discuté dans notre article du 11 mars dernier, intitulé « Les risques contractuels au temps de l’épidémie de COVID-19 », les obligations contractuelles doivent faire l’objet d’un examen attentif. Il convient de noter que l’exemption des délais de prescription découlant d’une loi ne s’appliquera pas à ceux émanant de la conclusion d’une entente. Soulignons également que les plans de remise en état ou les ententes de réhabilitation contiennent rarement des clauses de force majeure; quand elles en contiennent, celles-ci ne s’avèrent pas toujours efficaces.
Au fur et à mesure qu’elles s’adapteront aux échéanciers et à l’ampleur des mesures visant à limiter les conséquences de la pandémie de COVID-19, les entreprises pourront mieux s’acquitter de leurs obligations environnementales. Elles devraient passer en revue leurs obligations contractuelles et réglementaires dès que possible, déterminer les risques liés à toute non-conformité et prévoir des stratégies pour les atténuer de même qu’envisager des solutions de rechange, notamment la négociation de prolongations de leurs ententes environnementales.
Enseignement à tirer
Les entreprises devraient examiner leurs obligations actuelles et documenter les mesures qu’elles prennent pour s’assurer de maintenir leur conformité. Même si les autorités gouvernementales n’ont pas encore émis de lignes directrices générales, nous vous suggérons de demander des reports sur une base discrétionnaire au besoin. En comprenant la nature des services essentiels dans le territoire où vous exercez vos activités, vous serez en mesure de déterminer quelles obligations environnementales votre entreprise peut respecter et quelle exemption, le cas échéant, demander. L’élaboration d’un calendrier illustrant votre capacité à remplir vos obligations semaine après semaine dans le contexte de l’évolution de l’état d’urgence vous aidera, ainsi que vos employés, à établir vos priorités.
L’équipe Droit de l’environnement de BLG peut vous épauler en ce qui concerne ces évaluations, les discussions avec les administrations publiques, la conservation du lien de confiance avec les autorités réglementaires et les partenaires d’affaires et toute autre question ou conseil touchant l’environnement dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Nous vous invitons également à consulter le Centre de ressources sur la COVID-19 de BLG, mis sur pied pour aider les entreprises en leur fournissant des renseignements sur divers sujets, comme les questions concernant le travail et l’emploi, les risques contractuels, les obligations d’information, l’éducation et le droit criminel.