La Cour d’appel se prononce favorablement quant à l’admissibilité de l’intervention amicale au stade de la demande d’autorisation d’exercer une action collective.
Résumé
Dans un arrêt rendu le 12 février 2020, la Cour d’appel du Québec, sous la plume de l’honorable juge Marie-France Bich, j.c.a., accueille la demande d’intervention amicale d’Amnistie Internationale dans le cadre de l’appel de plein droit d’un jugement refusant l’autorisation d’exercer une action collective. La Cour d’appel apprécie, à la lumière de multiples sources doctrinales et jurisprudentielles, que l’intervention amicale est une procédure permise par le législateur au stade de l’autorisation d’une action collective. Plus précisément, elle juge qu’en l’espèce, l’intervention de l’intervenante est propice afin d’éclairer le tribunal quant à l’interprétation des conditions d’autorisation prévues à l’article 575 du Code de procédure civile (ci-après « C.p.c. ») en vertu d’instruments internationaux que le Canada a ratifiés et auxquels il doit se conformer.
Contexte
Environnement Jeunesse (ci-après « l’appelante ») a demandé l’autorisation d’exercer une action collective, au nom de tous les résidents du Québec âgés de 35 ans et moins en date du 26 novembre 2018, contre le Procureur général du Canada, agissant à titre de représentant du gouvernement du Canada (ci-après « l’intimé »). L’appelante soutenait que les droits fondamentaux des membres du groupe auraient été violés par l’intimé qui aurait omis de mettre en place les mesures nécessaires pour limiter le réchauffement planétaire notamment par l’entremise de cibles de réduction d’émissions de GES adéquates.
Le 11 juillet 2019, la Cour supérieure a rejeté cette demande d’autorisation, en vertu du troisième critère de l’art. 575 du C.p.c., jugeant inadéquate la configuration du groupe en raison de son plafond d’âge arbitrairement établi à 35 ans et de son inclusion de mineurs québécois, incapables d’exercer pleinement leurs droits civils.
Admissibilité des interventions amicales
Dans le cadre de l’appel du jugement refusant l’autorisation, Amnistie Internationale Canada (ci-après « l’intervenante ») demande d’intervenir à titre amical et la Cour d’appel devait examiner le bien-fondé de cette intervention et l’autoriser si jugée opportune. La Cour d’appel soutient que l’intervention amicale,bien qu’extrêmement rare1, est possible au stade de l’autorisation d’exercer une action collective à condition de respecter les exigences de l’article 187 C.p.c. et compte tenu des adaptations nécessaires à la nature du processus d’autorisation2.
Dans le cas précis de ce dossier, l’intervenante requérait d’éclairer le tribunal quant à l’interprétation des conditions d’autorisation prévues à l’article 575 C.p.c., notamment au regard du caractère justiciable des enjeux et de la configuration du groupe, principalement au chapitre de l’inclusion de personnes mineures, en vertu des divers instruments internationaux que le Canada a ratifiés et auxquels il doit se conformer. En l’espèce, la Cour d’appel juge que, malgré que l’intervenant traitera d’arguments nouveaux, ceux-ci seront pertinents afin de fournir « un cadre d’analyse plus général à l’exercice que devra entreprendre la Cour relativement la manière dont doit en l’espèce être interprété et appliqué l’art. 575 C.p.c. ». Par ailleurs, la Cour d’appel souligne l’importance de restreindre l’intervention aux seules observations de droits pertinentes à l’affaire.
Commentaire et conclusion
Ultimement, la Cour d’appel dans Amnistie Internationale Canada c. Environnement Jeunesse explicite que les règles générales relatives à l’intervention amicale des tiers sont applicables aux actions collectives, plus précisément au stade d’autorisation de son exercice, mais que celles-ci devraient être adaptées en conséquence. Les tribunaux devraient donc autoriser, lorsque jugé opportun, voire même nécessaire, les représentations de tiers afin de les aider à convenablement interpréter les faits, comprendre les questions soulevées et appliquer les raisonnements juridiques adéquats afin de rendre une justice équitable.
Le jugement intégral est disponible en ligne.
L’auteur souhaite remercier Marie-Ève Froment, stagiaire en droit, pour sa généreuse contribution au présent texte.
1 Il s’agit seulement de la troisième fois au Québec qu’une demande d’intervention amicale est accordée à l’étape de l’autorisation de l’action collective.
2 La Cour d’appel indique notamment que le critère de l’opportunité prévu du second alinéa de l’article 187 C.p.c devrait, dans le cadre d’une demande d’autorisation d’exercer une action collective, se rapprocher de celui de l’indispensabilité.