La collaboration est au cœur de l’innovation et du progrès – particulièrement dans le secteur en mutation de l’énergie. Bien que ce secteur se concentre habituellement sur des questions concrètes – décarbonisation, popularité grandissante des microvéhicules et demande croissante en gaz naturel – il ne faut pas sous-estimer l’importance de la culture, du talent, de la communication et des comportements pour son avenir.
Toutefois, la collaboration peut être difficile à accepter.
Alliance canadienne pour l’innovation dans les sables bitumineux
L’industrie pétrolifère et gazière du Canada a réalisé des progrès considérables à cet égard avec la formation de l’Alliance canadienne pour l’innovation dans les sables bitumineux en 2012. Aujourd’hui, les membres de l’Alliance produisent plus de 90 % du pétrole issu des sables bitumineux au pays.
La vision de l’Alliance énoncée sur son site Web est de « permettre la croissance responsable et durable du secteur canadien des sables bitumineux tout en accélérant l’amélioration de la performance environnementale par la collaboration et l’innovation ». Plus précisément, les objectifs de l’Alliance sont les suivants :
- produire du pétrole à partir des sables bitumineux en générant moins de gaz à effet de serre (GES) que les autres sources de pétrole;
- atténuer les conséquences de l’exploitation des sables bitumineux sur le territoire et la faune;
- améliorer la gestion des résidus des sables bitumineux;
- réduire la consommation d’eau et en augmenter le taux de recyclage.
L’Alliance a pris diverses initiatives, dont les suivantes :
- explorer l’utilisation de dispositifs de capture et de stockage de carbone pour envoyer le dioxyde de carbone sous terre avant qu’il n’atteigne l’atmosphère, notamment un projet pilote utilisant des algues pour réduire les émissions de GES tout en créant des produits de valeur;
- collaborer avec d’autres parties prenantes à la publication d’une étude exhaustive des technologies qui permettront d’accélérer le traitement des résidus;
- étudier des façons de réduire de 50 % l’intensité d’utilisation d’eau douce et de 30 % l’intensité nette d’utilisation d’eau de la rivière Athabasca et de ses affluents, le tout d’ici 2022.
Les membres de l’Alliance s’engagent à atteindre ces objectifs en partageant leur expérience et leur propriété intellectuelle. En juillet 2018, selon un rapport préparé par l’Association canadienne des producteurs pétroliers, les membres de l’Alliance avaient partagé 981 technologies et innovations distinctes, dont la mise au point a coûté plus de 1,4 milliard de dollars.
Enfin, l’annonce faite par le premier ministre de l’Alberta Jason Kenney de l’intention du nouveau gouvernement conservateur de remplacer la taxe sur le carbone par un programme d’innovation technologique et de réduction des émissions pour les grands émetteurs industriels indique que l’industrie pétrolifère et gazière de l’Alberta est bien placée pour accorder une plus grande place à l’innovation.
Or, selon Graeme Edge, cofondateur d’Energy Disruptors Unite, l’industrie ne collabore toujours pas assez.
« Par exemple, les petites entreprises ont souvent une approche très différente de celle des multinationales, affirme-t-il. Bon nombre de grands acteurs affirment que la tarification du carbone est un facteur crucial dans la diminution des émissions et une partie essentielle de l’acceptabilité sociale de leurs activités, tandis que les sociétés à petite et moyenne capitalisation la considèrent comme un coût d’exploitation supplémentaire. »
Cette divergence d’opinions contribue aux perceptions erronées concernant l’industrie pétrolifère et gazière de l’Alberta et sa responsabilité dans les changements climatiques.
Un secteur de l’énergie digne de confiance
« Si nous voulons modifier l’image du secteur, nous devons unir nos voix pour exprimer des émotions et des valeurs, et non seulement communiquer des faits et des données, avance M. Edge. En définitive, le consommateur moyen tient simplement à ce que nous partagions ses valeurs, soit favoriser la croissance économique tout en diminuant notre empreinte écologique à l’échelle mondiale. »
Mark Little, président et chef de la direction de Suncor Energy Inc., affirme que sa société travaille en ce sens : « Nous discutons de l’identité et de la contribution sociale que nous voulons pour notre entreprise afin que le secteur de l’énergie soit digne de confiance et améliore la vie des gens. »
Cependant, le message ne peut être uniforme à l’échelle mondiale.
Richard Eisenbraun de BLG note que les besoins et, par conséquent, les sources d’énergie, les tarifs et l’efficacité varient d’un territoire à l’autre. « Les messages que nous envoyons doivent être personnalisés avec soin », explique-t-il.
Outre l’harmonisation interne, le plus grand défi consiste à convaincre les sociétés pétrolifères et gazières traditionnelles de collaborer avec les producteurs d’autres formes d’énergie.
« Ce n’est pas facile de travailler avec ceux qu’on considère comme une menace à notre survie, affirme M. Edge. Pourtant, ce genre de collaboration présente des occasions incroyables, qui nécessitent tout de même un changement de culture. »
L’ouverture avant tout
Les sociétés avant-gardistes doivent s’efforcer de trouver des occasions de collaborer.
« Il est essentiel de cultiver des relations avec les jeunes entreprises, ainsi que d’adopter de nouvelles technologies, indique M. Edge. Les initiatives visant à resserrer les liens avec le secteur des transports et les autres fournisseurs de services et à mieux comprendre le genre de talents dont notre industrie a besoin aujourd’hui sont également cruciales. »
Selon Kent Howie de BLG, l’ouverture est la clé.
« Quand je pense à la collaboration, dit-il, je me demande : qu’est-ce que mon client a à offrir aux autres, et qu’est-ce que les autres ont à offrir à mon client? Le secret, c’est de rassembler le plus de gens possible sous un même toit, de les laisser s’exprimer librement et de faire en sorte de respecter leurs valeurs et les vôtres. »
Cette approche se prête particulièrement bien à la collaboration en matière d’acceptabilité sociale.
« Il n’est plus possible d’approcher un groupe autochtone, de lui expliquer ce qui va se passer et de lui demander ce qu’on peut faire pour lui, explique M. Howie. Maintenant, aucun projet n’a lieu sans son accord et sa coopération. »
Interaction et partage de la création de valeur
Selon Arno van den Haak, chef du développement des affaires mondiales – pétrole et gaz d’Amazon Web Services, le but ultime est de « créer un réseau de pairs dont les participants interagissent et se partagent la valeur ainsi créée ».
Gregory John, vice-président des relations avec les Autochtones à Project Reconciliation, est d’accord.
« Pour tirer pleinement parti de la collaboration, avance-t-il, il faut des partenariats équitables, et non de simples consultations. »
Brad Pierce de BLG estime que l’industrie pétrolifère et gazière de l’Alberta est maintenant disposée à adopter une approche collaborative, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années.
« Toutefois, nuance-t-il, nous devons changer notre message afin d’insister sur les avantages de nos ressources sur le plan de l’acceptabilité sociale par rapport à d’autres producteurs dans le monde, et de présenter nos ressources comme préférables aux autres, puisque nous prenons des mesures concrètes pour changer les choses. J’ai peur que ceux qui mènent le débat nous fassent aller dans la mauvaise direction et gaspiller de l’énergie, des ressources et du temps que la planète n’a pas en criant à la fin du monde sans proposer de solution à laquelle nous pouvons travailler tous ensemble. »
De toute évidence, c’est le moment ou jamais de changer le message.
Et comme le dit Malcolm Gladwell, auteur à succès maintes fois cité par le New York Times : « Si vous avez une histoire authentique à raconter, il n’y a jamais eu de meilleur moment pour le faire. »