Dans la récente affaire City of Toronto v. Canadian Union of Public Employees, Local 79, 2019 ONSC 4045, la Cour divisionnaire de l’Ontario a conclu que l’employeur, qui avait retiré à un employé handicapé un droit à un avantage accordé à titre gratuit fondé sur le rendement au travail, n’avait pas manqué à son devoir d’accommodement, même si cet employé avait auparavant pu en bénéficier malgré un horaire de travail réduit. Par ce jugement, la Cour divisionnaire a annulé la décision de l’arbitre qui était arrivée à la conclusion inverse, l’estimant déraisonnable.
Réduction des avantages offerts à un employé bénéficiant de mesures d’adaptation
Dans l’affaire qui nous occupe, l’employeur offrait des avantages différents à ses employés syndiqués selon qu’ils appartenaient à l’unité de négociation des employés à temps partiel ou à celle des employés à temps plein.
En l’espèce, le plaignant était un employé syndiqué qui, au départ, travaillait à temps plein et appartenait à l’unité de négociation correspondante. Quand il a dû cesser de travailler à temps plein en raison de handicaps, il a obtenu une mesure d’accommodement, à savoir la réduction de son horaire de travail à quatre, puis à trois jours par semaine. Puisque cette réduction résultait d’une mesure d’accommodement, il a été autorisé à rester dans l’unité de négociation des employés à temps plein et à continuer de bénéficier des avantages connexes, notamment un congé de maladie pouvant s’étaler sur un maximum de 26 semaines par année. Cet avantage lui permettait de puiser régulièrement dans sa banque de congés de maladie payés afin de recevoir une indemnité de remplacement du revenu pour les jours pendant lesquels il n’était pas en mesure de travailler.
En 2016, l’employeur a cessé de laisser ses employés à temps partiel appartenir à l’unité de négociation des employés à temps plein lorsqu’il ne pouvait pas raisonnablement s’attendre à ce qu’ils reprennent un horaire de travail à temps plein. Ainsi, le plaignant a été transféré dans l’unité de négociation des employés à temps partiel et ses droits au titre des congés de maladie payés ont, en conséquence, été calculés au prorata.
Un grief a alors été déposé, au motif que les actions de l’employeur équivalaient à de la discrimination fondée sur le handicap.
Décision de l’arbitre
L’arbitre a donné raison au plaignant et conclu que l’employeur n’avait pas pu démontrer qu’une contrainte excessive motivait le retrait du plaignant de l’unité de négociation des employés à temps plein alors qu’il le lui avait permis dans le cadre de l’exercice de son devoir d’accommodement. L’arbitre a ainsi accueilli le grief et ordonné que le plaignant soit de nouveau inclus dans l’unité de négociation des employés à temps plein et que lui soit restituée l’intégralité des avantages correspondants.
Annulation de la décision de l’arbitre par la Cour divisionnaire
Dans son jugement annulant la décision susmentionnée au motif qu’elle était déraisonnable, la Cour divisionnaire a estimé que l’arbitre n’avait pas respecté une longue jurisprudence selon laquelle il est raisonnable et de bonne foi pour un employeur d’exiger une prestation de travail en échange d’une rémunération. Selon cette jurisprudence, la décision de l’employeur d’offrir au plaignant une rémunération et des avantages différents en fonction du nombre d’heures de travail qu’il était capable de fournir et non de ses handicaps, ne constituait pas de la discrimination. De ce fait, la Cour divisionnaire a également affirmé que l’employeur n’avait pas besoin de faire la preuve d’une contrainte excessive pour motiver le changement d’avantage.
Elle a par ailleurs estimé qu’en faisant bénéficier le plaignant d’avantages octroyés aux employés à temps plein alors qu’il n’était en mesure que de travailler à temps partiel, l’employeur avait pendant longtemps fourni un avantage à titre gratuit qui [traduction] « dépass[ait] son devoir juridique d’accommoder le plaignant ». Selon la Cour, un tel avantage accordé à titre gratuit ne faisait pas partie des mesures d’accommodement offertes au plaignant et pouvait par conséquent être retiré à la discrétion de l’employeur sans pour autant que cette décision ne contrevienne à son devoir d’accommodement.
La Cour divisionnaire a infirmé la décision de l’arbitre sans renvoyer la cause en arbitrage, rejetant ainsi le grief dans son intégralité.