Ontario (Labour) v. New Mex Canada Inc., 2019 ONCA 30
La Loi sur la santé et la sécurité au travail (« LSST ») établit les règles que les entreprises de l’Ontario doivent suivre pour assurer la santé et la sécurité de leurs travailleurs. Elle prévoit aussi les sanctions applicables en cas d’infraction.
Ces sanctions peuvent être sévères, puisque la LSST prévoit pour les personnes morales des amendes maximales de 1,5 M$ par infraction, ainsi que des amendes maximales de 100 000 $ par infraction et des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 12 mois pour les administrateurs. Dans le récent arrêt Ontario (Labour) v. New Mex Canada Inc., 2019 ONCA 30 (« New Mex »), la Cour d’appel de l’Ontario a examiné comment et dans quel contexte ces sanctions doivent être appliquées.
La bonne nouvelle, c’est que l’arrêt New Mex clarifie les principes de détermination de la peine en vertu de la LSST, de sorte que les propriétaires d’entreprise sauront à quoi s’attendre en cas d’infraction. Cela dit, la Cour d’appel a estimé que toutes les options demeurent envisageables en cas de violation grave, même pour les auteurs d’une première infraction.
Autrement dit, le fait qu’une entreprise ou ses administrateurs reçoivent une amende importante n’a pas pour effet de soustraire les administrateurs à la possibilité de se voir infliger une peine de prison.
Les faits au cœur de l’affaire New Mex ont trait à un accident mortel en milieu de travail; un travailleur, victime d’une crise d’épilepsie, est tombé d’un chariot élévateur du haut duquel il préparait des commandes. Pour utiliser cet engin, l’employé devait se tenir debout sur une petite plateforme surélevée. L’employeur était au courant de l’état de santé de cet employé. Malgré cela, l’employé, qui a eu une crise et est tombé la tête la première au sol, ne portait pas d’équipement de sécurité, comme un harnais ou un câble d’attache, et n’avait reçu au préalable aucune formation sur la prévention des chutes.
L’employeur a plaidé coupable aux accusations portées contre lui en vertu de la LSST, notamment le manquement à l’obligation de fournir des renseignements, des directives, une supervision et des mesures de sécurité pour assurer la protection du travailleur. Deux administrateurs de l’entreprise ont également plaidé coupables à des infractions semblables. Pour chacun des défendeurs, il s’agissait d’une première infraction à la LSST.
Le tribunal a imposé une amende de 250 000 $ à l’entreprise et infligé à chacun des deux administrateurs une peine d’emprisonnement discontinue de 25 jours, en plus de 12 mois de probation. Puisque l’entreprise était une petite entité à capital fermé, il a été noté que toute amende imposée à l’entreprise serait probablement payée par les administrateurs eux-mêmes. Les peines d’emprisonnement visaient donc à alléger le fardeau financier qui résulterait de l’imposition d’amendes à la fois à l’entreprise et aux administrateurs. Autrement dit, le tribunal chargé de la détermination de la peine a traité les amendes et les peines d’emprisonnement en vertu de la LSST comme si elles étaient interchangeables.
Les sentences ont fait l’objet d’un appel devant le tribunal d’appel provincial compétent, qui a réduit l’amende imposée à l’entreprise à 50 000 $ et annulé les peines d’emprisonnement infligées aux administrateurs en y substituant une amende de 15 000 $ par administrateur.
La Couronne a interjeté appel de cette décision devant la Cour d’appel de l’Ontario.
Dans sa décision, la Cour d’appel a confirmé à la fois la réduction d’amende imposée à l’entreprise et l’annulation des peines d’emprisonnement des administrateurs. Ce faisant, elle a également énoncé les principes suivants qui s’appliquent à la détermination des peines en vertu de la LSST :
- l’emprisonnement constitue une peine importante en vertu de la LSST qui doit être réservée aux infractions graves;
- l’emprisonnement ne constitue pas un substitut à une amende, quelles que soient les difficultés financières de l’accusé;
- même les personnes qui commettent une première infraction à la LSST peuvent être condamnées à une peine d’emprisonnement si cette infraction est suffisamment grave.
Selon la Cour d’appel, les manquements des administrateurs qui ont eu pour conséquence le décès de l’employé dans l’affaire New Mex étaient [traduction] « outrageux », et les administrateurs « ont fait preuve d’une grande inconscience en ignorant leurs obligations ». Malgré cela, l’imposition de peines d’emprisonnement aux administrateurs sur la seule base de leurs difficultés financières constitue une erreur de droit, et ces peines d’emprisonnement ne pouvaient donc pas être maintenues. Si les peines avaient été imposées pour punir le manquement des administrateurs aux exigences fondamentales de la LSST, elles auraient probablement été considérées comme [traduction] « parfaitement convenables » et auraient été maintenues. La Cour d’appel a également fait remarquer que l’amende de 50 000 $ imposée à l’entreprise, même si elle n’était pas manifestement inadéquate, représentait une amende [traduction] « peu sévère ».
Pour les entreprises qui exercent des activités en Ontario, la décision rendue dans New Mex rappelle la sévérité des sanctions qui peuvent être imposées aux sociétés et à leurs administrateurs en cas d’infraction grave à la LSST. Ces infractions peuvent aller de l’omission de fournir de l’équipement et de la formation adaptés en matière de sécurité jusqu’au manquement à l’obligation d’assurer une protection adéquate contre la violence et le harcèlement au travail. Dans New Mex, la Cour d’appel établit un ensemble de règles de référence pour la détermination de ces sanctions et affirme également que toutes les options demeurent envisageables. Des peines d’emprisonnement sont possibles même en cas de première infraction et, selon la Cour d’appel, elles peuvent être particulièrement appropriées s’il est déterminé que les employeurs ont fait preuve d’un mépris évident pour la santé et la sécurité au travail.
Cependant, un principe de détermination de la peine demeure inchangé dans la foulée de l’affaire New Mex : l’intérêt primordial des tribunaux est d’assurer le respect de la LSST. Malgré ces nouveaux développements, les employeurs qui font le nécessaire pour se conformer à cette loi dès maintenant seront toujours en meilleure position s’ils se retrouvent eux-mêmes un jour devant un tribunal.