Cette opposition entre les besoins de la collectivité et ceux des employeurs suscite des avis divers depuis le dépôt du projet de loi 201
Au Canada, 83 % des pompiers sont volontaires1. Dans nombre de communautés de milieu rural ou de petite taille, les pompiers volontaires représentent souvent l’intégralité du service de lutte contre les incendies. En fait, selon le Standing Committee on Alberta’s Economic Future (comité directeur sur l’avenir économique de l’Alberta), c’est grâce à eux que beaucoup de municipalités albertaines arrivent à respecter leur budget2. Cependant, un grand nombre de ces personnes ont un autre emploi, à temps plein, qui ne leur permet pas toujours de répondre sans retard à un appel. Et comme en témoigne une sentence arbitrale rendue en Colombie-Britannique (Mainroad Group and BCGEU, Local 10-01 (Buckley), Re.), ces personnes risquent le congédiement si elles quittent leur poste pour lutter contre un incendie. En l’occurrence, toutefois, l’employé a été réintégré dans ses fonctions3.
Cette opposition entre les besoins de la collectivité et ceux des employeurs suscite des avis divers depuis le dépôt du projet de loi 201, Employment Standards (Firefighter Leave) Amendment Act, 2018.4
Le projet de loi
[Traduction]
Congé pour engagements personnels des pompiers volontaires
Congé sans solde pour pompiers à temps partiel
53.9841 1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article :
a) « service de sécurité incendie » : ensemble des activités liées à l’extinction ou à la prévention des incendies, des activités de sauvetage et d’intervention d’urgence et des autres activités exercées par un pompier;
b) « pompier à temps partiel » : membre bénévole, occasionnel ou à temps partiel du service de sécurité incendie d’une municipalité ou d’un établissement métis.
2) L’employé qui travaille pour un même employeur depuis au moins 90 jours et qui est pompier à temps partiel a droit, occasionnellement, à un congé sans solde pour participer à la prestation de services d’incendie.
3) Nul employeur ne doit, sans motif valable, empêcher une personne d’exercer ses activités de pompier à temps partiel si cette personne l’a informé de ses engagements en ce sens et l’a avisé de son obligation de s’absenter du travail pour agir en cette capacité.
4) Nul employeur ne peut, sans motif valable, refuser d’engager une personne parce que celle-ci est pompier à temps partiel.
Le congé proposé est souvent comparé à l’actuel congé des réservistes, à quelques importantes différences près. Le pompier volontaire serait admissible au congé proposé après 90 jours d’emploi, alors que le congé des réservistes est accordé après 26 semaines d’emploi consécutives. L’employé qui demande un congé de réserviste doit en prouver la nécessité, sur demande de son employeur, et fournir à ce dernier un préavis écrit de quatre semaines. Le projet de loi sur le congé proposé pour les pompiers volontaires n’exige rien du genre, puisque les pompiers volontaires ne savent généralement pas quand ils devront répondre à un appel5. Sans préavis, toutefois, l’employeur risque de voir ses activités soudainement perturbées quand il autorisera un employé à répondre à un appel. Or, la consultation des intéressés permet de croire que la loi n’est peut-être pas la solution à ce conflit potentiel.
L’avis des intéressés
On aurait pu s’attendre à ce que les principaux intéressés soient en faveur d’une protection accrue des pompiers volontaires. Pourtant, ils se sont élevés contre le projet de loi. Leurs motifs ont été résumés par le conseil d’administration de l’Alberta Fire Chiefs Association (AFCA). D’abord, les employeurs répondent en général favorablement à la demande des pompiers volontaires. Pour eux, la question traitée dans Mainroad ne se pose pas. De fait, rapporte l’AFCA, « en pareil cas, nombre d’employeurs soutiennent leurs employés et les libèrent, tout en versant leur salaire et en embauchant des remplaçants6 ». Le commentaire formulé par le chef adjoint du St. Paul Fire Department va dans le même sens : employeurs et services de pompiers volontaires ont d’excellentes relations. Il confirme que les employeurs appuient généralement le travail des services de pompiers volontaires et précise que ces derniers organisent périodiquement des activités destinées à les remercier de leur appui7.
L’AFCA estime que les intéressés seront mieux servis s’ils discutent et prennent une décision ensemble que si le congé est imposé. L’adoption d’une loi obligeant à autoriser un pompier volontaire à quitter son travail pour répondre à un appel risque de mécontenter les employeurs, en particulier ceux qui s’étaient déjà adaptés à la situation. L’AFCA croit que les changements envisagés mineraient l’appui du milieu aux services de pompiers volontaires. La loi pourrait même nuire au recrutement et au maintien en poste de pompiers volontaires.
L’état du projet de loi
Au vu de ces commentaires, le Standing Committee on Alberta’s Economic Future a recommandé, le 11 octobre 2018, qu’il ne soit pas donné suite au projet de loi. À l’instar des diverses parties intéressées, il a toutefois souligné la nécessité de refondre l’actuelle législation sur les services de sécurité incendie8. Par conséquent, bien que la campagne en faveur du congé semble terminée, il sera intéressant de voir les amendements proposés et leur incidence, le cas échéant, sur la relation entre les employeurs et les services de sécurité incendie.
1 « NFPA releases stats on Canadian departments », Fire Fighting in Canada, 8 mai 2018.
2 Standing Committee on Alberta’s Economic Future, « Bill 201, Employment Standards (Firefighter Leave) Amendment Act, 2018 », 11 octobre 2018.
3 Mainroad Group and BCGEU, Local 10-01 (Buckley), Re, 2014 CanLII 83904.
4 Bill 201, Employment Standards (Firefighter Leave) Amendment Act, 2018, 4e session, 29e législature, Alberta, 2018.
5 Olivia Bako, « Job protection legislation for volunteer firefighters draws mixed reaction », The Westlock News, 12 décembre 2017.
6 Peter Krich, « Official Statement of the Alberta Fire Chiefs Association Board of Directors », 31 mai 2018.
7 Henry Thomson, « Review of Bill 201 », 2 juin 2018.
8 Standing Committee on Alberta’s Economic Future, « Bill 201, Employment Standards (Firefighter Leave) Amendment Act, 2018 », 11 octobre 2018.