Dans la décision USW, Local 2020 and Bristol Machine Works Ltd. (GB-01-18), 2018 CarswellOnt 5531 (Mitchnick) (« Bristol Machine ») rendue en avril 2018, le tribunal d’arbitrage observe si l’application des nouvelles dispositions de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi (« LNE ») de l’Ontario relativement au nouveau congé d’urgence personnelle (« CUP ») s’applique lorsque l’employeur offre un « meilleur droit ou avantage ». En l’espèce, le syndicat a déposé un grief relativement au refus de l’employeur de consentir à deux CUP payés en vertu de la LNE, en plus des congés de maladie prévus par la convention collective. Au fil des ans, nombreux furent les cas où l’on cherchait, d’une part, à déterminer si un contrat ou une convention collective contrevenait à la LNE et était donc nulle par conséquent, ou d’autre part, si ces ententes offraient un « meilleur avantage » que les dispositions de la LNE, la remplaçant de facto. Cette question se pose suite à la lecture de l’article 5 de la LNE, qui prévoit ce qui suit :
5 (1) Sous réserve du paragraphe (2), aucun employeur ou mandataire d’un employeur ni aucun employé ou mandataire d’un employé ne doit se soustraire contractuellement à une norme d’emploi ni y renoncer.
(2) Si une ou plusieurs dispositions d’un contrat de travail ou d’une autre loi qui traitent directement du même sujet qu’une norme d’emploi accordent à un employé un avantage supérieur à celle-ci, ces dispositions s’appliquent et la norme d’emploi ne s’applique pas.
Ainsi, une disposition contractuelle pourrait s’avérer moins avantageuse que la norme minimale à certains égards, mais la dépasser à d’autres. Il s’agira alors de déterminer si elle est « plus généreuse » que la disposition prévue par la LNE et la remplace de fait, ou si elle lui est « moins généreuse », auquel cas la norme prévue par la LNE a préséance.
L’article 50 de la LNE a été modifié le 1er janvier 2018 afin de stipuler que les deux premiers jours de CUP doivent être payés, contrairement aux huit jours restants, qui ne le sont pas. Ces congés peuvent être utilisés, en règle générale, en cas de maladie d’un employé ou de certains des membres de sa famille, tel que précisé dans la loi, en cas de de décès d’un membre de sa famille ou d’autres urgences touchant également un membre de sa famille. En l’occurrence, l’employeur a considéré que les CUP payés n’avaient pas à être accordés puisqu’il offrait un avant « plus généreux », à savoir un programme d’indemnités hebdomadaires. Le programme auquel il fait référence inclut un régime de protection en cas de maladie ou d’accident donnant droit à des prestations hebdomadaires pendant au plus 17 semaines (correspondant à 65 pour cent du salaire) et prenant effet dès le premier jour dans le cas d’un accident et après sept jours en cas de maladie, ainsi qu’un régime d’assurance invalidité à long terme.
Décision
L’arbitre Mitchnick a amorcé son analyse en énonçant les propositions générales suivantes :
- Si une convention collective offre un avantage plus généreux, les dispositions de la LNE ne s’appliquent pas.
- Pour conclure à l’existence d’un « droit ou un avantage plus généreux », l’avantage prévu par la convention collective doit renvoyer directement à celui conféré par la LNE.
L’arbitre a convenu que, pour établir si le congé de maladie constituait, globalement, un « droit ou un avantage plus généreux », les dispositions de la convention collective relatives au congé de maladie devaient être considérées dans leur ensemble (c’est-à-dire les éléments plus avantageux ainsi que ceux qui le sont moins au regard de la LNE).
Pour en arriver à sa décision, à savoir que la convention collective offrait un « avantage plus généreux » que la norme prévue par la LNE relativement aux CUP, l’arbitre a présenté l’argumentaire suivant :
[traduction] « En ce qui concerne la Loi, ce qu’elle prévoit dans ce cas, ce sont deux jours de congé payés, point. Le régime offert aux termes de la convention collective, en revanche, prévoit jusqu’à 17 semaines d’assurance maladie et accident, à concurrence de 65 pour cent du revenu (assorti d’un plafond de 700 $ par semaine), suivies d’une période illimitée d’assurance invalidité à long terme, pendant laquelle l’employé touche également 65 pour cent de son revenu (jusqu’à 2 500 $ par mois). Pour reprendre une métaphore employée par le juge White, lorsqu’on met dans la balance les deux types de protection du revenu en cas de maladie, il me semble évident que l’un ne fait pas le poids. Le régime qu’ont négocié les métallurgistes, comme l’on peut s’y attendre, est manifestement plus avantageux que la protection du revenu minimale consentie à tous les employés, qu’ils soient représentés ou non, en vertu de la Loi sur les normes d’emploi. Et cela malgré le délai de carence de 7 jours (dans le cas d’une maladie par opposition à une blessure accidentelle) aux termes du régime d’assurance maladie de courte durée et la période de 18 mois de service applicable à la couverture plus étendue offerte aux employés en vertu du régime de longue durée. À mon avis, aucune de ces deux périodes n’est suffisamment longue pour neutraliser la supériorité appréciable du régime de protection des revenus de la convention collective sur ce qui est prévu par la Loi. »
L’arbitre a rejeté la demande du syndicat qui affirmait que les employés devaient bénéficier des deux jours de CUP payés prévus par la LNE en plus du régime d’indemnité hebdomadaire, arguant que ce dernier, puisqu’il constituait un « droit plus avantageux », ne permettait pas aux employés de s’en prévaloir.
Il a toutefois invoqué une exception s’appliquant aux employés en période d’essai, qui n’ont pas droit aux indemnités hebdomadaires prévues par la convention collective. Il a maintenu que ceux-ci se trouvaient dans une « catégorie » différente et que, puisqu’ils ne bénéficiaient pas d’un « droit plus avantageux » conféré par la convention collective, ils avaient droit au CUP prévu par la LNE durant leur période d’essai.
Enseignements à tirer pour les employeurs
Cette décision souligne l’importance d’examiner vos conventions collectives, contrats et politiques afin de déterminer si la LNE s’applique à vos employés pour certains avantages ou si ceux que vous offrez constituent des « droits ou avantages plus généreux » que les dispositions de LNE.