Le jugement de la Cour supérieure de l’Ontario dans l’affaire 1960529 Ontario Inc. v. 2077570 Ontario Inc., 296 Brunswick LP Corp., and CMLS Financial Ltd. (2017 ONSC 5254) rappelle aux locataires de relire attentivement leur bail avant de signer un certificat de préclusion.
Contexte
1960529 Ontario Inc. a exercé des activités en tant que bar et salle de jeux électroniques sous la dénomination Tilt Arcade Bar (« Tilt »). Tilt a loué, en qualité de locataire, le premier étage de l’immeuble situé au 296, avenue Brunswick, à Toronto, auprès de 2077570 Ontario Inc. (« 207 »), le locateur. Le bail conclu entre Tilt et 207 prévoyait un droit de préemption selon lequel 207 convenait de fournir à Tilt une copie de toute offre d’achat visant l’immeuble avant de l’accepter, après quoi Tilt disposerait de 24 heures pour lui faire une offre identique.
Le 17 octobre 2016, 207 et 296 Brunswick LP Corp (« Brunswick ») ont conclu une convention d’achat-vente visant l’immeuble. Le 14 février 2017, le président de 207 s’est rendu à l’immeuble et a remis une formule de certificat de préclusion à Evan Oswald (« Oswald »), le président de Tilt, pour l’informer de la vente de l’immeuble et de la nécessité de signer immédiatement le certificat de préclusion pour que soit réalisée la cession du bail de 207 à Brunswick.
Le certificat était adressé à CMLS Financial Ltd., le prêteur de Brunswick (le « prêteur »). 207 y figurait en qualité de locateur et Tilt, en qualité de locataire. Le certificat assurait qu’aucune des parties au bail n’était en défaut, et le droit de préemption n’y était pas mentionné. Oswald, ne sachant pas que le bail lui conférait un tel droit, a signé le certificat de préclusion.
L’immeuble a été transféré de 207 à Brunswick le 17 février 2017. Brunswick s’est ensuite prévalue d’une disposition du bail concernant la démolition et a remis à Tilt un avis de résiliation. C’est seulement à ce moment que Tilt s’est rendu compte qu’on aurait dû lui donner le droit d’acheter l’immeuble en vertu du droit de préemption prévu par le bail. Tilt a présenté une requête en redressement pour appuyer sa demande d’exercer un droit de préemption. Tilt a également déposé, en vue d’obtenir une injonction empêchant Brunswick de démolir l’immeuble, la requête faisant l’objet de la décision que nous commentons ici.
Décision de la Cour
La Cour a rejeté la requête en injonction interlocutoire de Tilt, au motif qu’il n’y avait là aucune question sérieuse à juger. Elle a expliqué que Tilt avait renoncé à son droit de préemption en signant le certificat de préclusion et en affirmant qu’aucune des parties au bail n’était en défaut au moment de la signature (c’est-à-dire que le locateur avait respecté toutes ses obligations relatives au droit de préemption). La Cour a en outre déclaré que les parties à une transaction immobilière commerciale sont en droit d’utiliser un certificat de préclusion pour empêcher la partie signataire d’adopter une position contraire aux énoncés y figurant. Il est tenu pour acquis que Tilt, en signant le certificat de préclusion, savait que les parties à la vente de l’immeuble se fieraient à son contenu.
Commentaire
Cette affaire est un important rappel des risques que courent les locataires lorsqu’ils omettent de relire leur bail avant de signer un certificat de préclusion. Les locataires négligents peuvent être réputés avoir renoncé à leurs droits. En l’espèce, Tilt aurait pu empêcher Brunswick d’acheter l’immeuble si elle avait indiqué le manquement du locateur dans le certificat de préclusion avant de le signer.
Cette affaire rappelle également qu’il n’est pas nécessairement impossible, pour une entité ou un particulier qui n’est pas le destinataire d’un certificat de préclusion, de s’y fier.
Les locataires devraient toujours être au courant des droits que leur confère leur bail et des fins liées à tout certificat de préclusion qu’on leur demande de signer. Ils pourront ainsi avoir une vue d’ensemble sur leurs droits en vigueur.