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Perspectives

Un médecin jouissant de droits hospitaliers voit ses allégations d'enfreinte au Code des droits de la personne de l’Ontario rejetées

Aperçu

Dans l'affaire Shaver v. Queensway Carleton Hospital (2017 HRTO 685), un médecin jouissant de droits hospitaliers a accusé un hôpital de discrimination et de représailles à son endroit dans le cadre de son emploi pour des raisons d'âge et de handicap, ce qui contrevient au Code des droits de la personne de l'Ontario (le « Code »).

Le médecin a formulé deux allégations précises devant le Tribunal des droits de la personne de l'Ontario (le « Tribunal ») :

  1. La « disposition de temporisation » (ou « politique en matière de garde ») de l'hôpital imposant aux médecins de réduire leurs activités sur une période de cinq ans lorsqu'ils abandonnent leurs responsabilités de garde serait discriminatoire et équivaudrait à une politique de départ à la retraite obligatoire;
  2. Le rapport obligatoire de l'hôpital à l'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario (« OMCO ») constituerait des représailles pour avoir fait valoir ses droits en vertu du Code.

Contexte

Le médecin, Dr Shaver, détenait des droits à l'hôpital depuis les années 1970. Il s'agit de droits prévus par la loi et limités dans le temps permettant aux médecins d'utiliser les ressources d'un hôpital. Non garantis, ils sont d'une durée d'un an. Pour les conserver, il convient, en tant que médecin, de montrer au conseil d'administration de l'hôpital en question sa capacité à prodiguer avec efficacité des soins de qualité à ses patients.

En 2010, des inquiétudes sur les compétences du médecin ont été soulevées, à la suite desquelles il a accepté de volontairement limiter sa pratique hospitalière à des domaines autorisés très circonscrits. D'autres préoccupations sont apparues en 2011 relativement à ses compétences. Conjointement avec l'hôpital, il a retenu les services d'un spécialiste pour effectuer un examen externe de sa pratique. Le spécialiste a conclu que le médecin avait exposé et serait susceptible d'exposer ses patients à des préjudices ou à des blessures et que des mesures immédiates s'imposaient pour les protéger. Une audience en bonne et due forme s'est déroulée devant le conseil d'administration de l'hôpital, qui a réduit encore davantage les droits hospitaliers du médecin.

En 2014, face à de nouvelles inquiétudes, le médecin a volontairement convenu de ne plus exercer dans certains de ses domaines de pratique limités autorisés et a finalement accepté de cesser d'exercer à l'hôpital dans l'attente d'un examen externe. Le spécialiste engagé par l'hôpital pour procéder à l'examen externe a conclu que le médecin n'était pas compétent dans les domaines de pratique autorisés qu'il lui restait. L'hôpital a communiqué un rapport obligatoire à l'OMCO en janvier 2015, ce qui a coïncidé avec la réception de la requête du médecin pour atteinte aux droits de la personne.

Plutôt que de faire usage de ses droits d'appel prévus par la loi, le médecin a totalement renoncé à ses droits hospitaliers en octobre 2015.

Décision du Tribunal

À la suite d'une audience, le Tribunal a rejeté la requête du médecin.

En ce qui concerne la disposition de temporisation, l'hôpital a estimé que les allégations du médecin n'auraient aucune chance raisonnable d'aboutir. Premièrement, il ne s'agissait pas d'une politique de départ à la retraite obligatoire (comme l'avait prétendu le médecin). Les médecins choisissent de réduire ou de cesser d'assumer leurs lourdes responsabilités de garde à condition de limiter progressivement leur accès aux ressources de l'hôpital. Deuxièmement, les dispositions de temporisation sont une pratique courante dans les hôpitaux et une méthode valable pour déterminer l'affectation des ressources. Troisièmement, dans ce cas précis, le médecin avait démissionné avant la prise d'effet de la disposition de temporisation.

Le Tribunal a conclu que la disposition de temporisation avait été appliquée au médecin non pas à cause de son âge ou handicap, mais parce qu'il avait cessé d'assumer ses responsabilités de garde en 2010 et qu'il semblait peu probable qu'il soit capable de les reprendre un jour compte tenu de ses problèmes de compétences. Pour toutes ces raisons, le Tribunal a conclu que les allégations du médecin n'étaient pas fondées.

Quant aux allégations de représailles, le Tribunal a accepté les éléments de preuve du médecin-chef selon lesquels son rapport n'avait pas été motivé par la réception de la requête du médecin pour atteinte aux droits de la personne, mais plutôt par ses obligations à titre de médecin-chef.

Objections soulevées par l'hôpital

L'hôpital a formulé des objections préliminaires.

Tout d'abord, il a estimé que le Tribunal n'avait pas la compétence de traiter la requête, car la relation qui unissait l'hôpital au médecin ne s'inscrivait pas dans un contexte d'« emploi » en vertu du Code, étant donné le cadre législatif et réglementaire qui régit la relation entre un médecin et l'hôpital ainsi que les nombreuses particularités de celle-ci.

Malgré la position de l'hôpital, les raisons du Tribunal n'abordent pas la question de savoir si le cas d'un médecin doté de droits hospitaliers constitue une relation d'emploi en vertu du Code. Le Tribunal a refusé de créer un précédent sur ce point; cette question reste donc en suspens en Ontario.

Ensuite, l'hôpital a estimé que cette requête constituait un recours abusif. Il a fait valoir que le médecin tentait indûment de porter cette affaire devant le Tribunal plutôt que d'utiliser ses droits d'appel prévus par la loi.

Enfin, l'hôpital a soutenu qu'il s'agissait d'un litige relatif aux droits hospitaliers du médecin, que ce dernier ne devrait pas être autorisé à porter devant le Tribunal. Le Tribunal est resté muet sur cette question également. Cependant, il indique dans ses raisons que le médecin peut remettre en cause les restrictions imposées sur ses droits hospitaliers pour des questions d'incompétence présumée devant le conseil d'administration de l'hôpital et la Commission d'appel et de révision des professions de la santé. Par là même, il laisse entendre qu'il n'interviendra pas sur les questions liées aux droits hospitaliers des médecins.

Prochaines étapes

Les médecins commencent à déposer des requêtes devant le Tribunal pour discrimination dans le cadre d'« emploi ». L'argument selon lequel elles ne relèvent pas de la compétence du Tribunal (notamment lorsque le problème sous-jacent concerne les droits hospitaliers) a été soulevé dans des requêtes précédentes, mais le Tribunal a refusé de se prononcer. Ainsi, la question de savoir si les cas de médecins jouissant de droits hospitaliers s'inscrivent dans un contexte d'« emploi » en vertu du Code reste à élucider. À suivre!