Les tribunaux canadiens reconnaissent que toute pratique sportive comporte un certain risque. Cependant, il incombe aux écoles et conseils scolaires de le limiter au maximum et de réagir de manière appropriée s'il se matérialise.
Presque toutes les semaines, les médias semblent relater des cas de commotion cérébrale : le 18 mai 2017, nous avons appris que Tom Brady avait apparemment subi de multiples commotions cérébrales non déclarées au cours de sa carrière; le 8 mai 2017, nous avons retenu notre souffle quand Sidney Crosby a une fois de plus percuté la bande tête première; le 11 mai 2017, nous avons été nombreux à nous demander si le retour de James Harden sur le terrain de basket, où il a livré, les yeux vitreux, une performance médiocre après avoir reçu un coup de coude à la tête, ne visait pas simplement à soustraire le joueur au protocole de la NBA sur les commotions cérébrales.
Parallèlement, de plus en plus d'athlètes — professionnels ou amateurs — se tournent vers les tribunaux afin de demander réparation pour les souffrances vécues à la suite de commotions cérébrales. Un recours collectif intenté contre la National Collegiate Athletic Association (« NCAA ») s'est récemment soldé par un règlement de plusieurs millions de dollars et l'engagement à faire passer un examen médical aux anciens athlètes de la NCAA ainsi que par la modification des politiques et pratiques de l'organisme en matière de traumatismes crâniens. Dernièrement, des joueurs professionnels de football à la retraite ont également réglé un recours collectif intenté contre la NFL en échange de l'établissement d'un programme de dépistage et du versement d'indemnités à ceux qui ont reçu un diagnostic de troubles sévères liés à une commotion cérébrale. Un recours collectif contre la LNH concernant les traumatismes crâniens se trouve aussi en instance devant les tribunaux américains.
Ces recours collectifs s'ajoutent aux nombreuses poursuites individuelles pour commotion cérébrale qui prennent forme aux États-Unis et au Canada, notamment une action pour négligence visant l'Association canadienne de ski acrobatique, une plainte déposée par un étudiant membre de l'équipe de football de l'Université Bishop à l'encontre de cette dernière, une action intentée contre la Ligue canadienne de football, une poursuite en responsabilité du fait du produit contre le fabricant de casques Bauer et une action visant une équipe de la LNH et ses médecins par suite de deux coups portés pendant une partie.
Chacune de ces poursuites cible les organisations qui s'occupent d'activités athlétiques. Les demandeurs font valoir qu'elles ont omis de prendre les mesures appropriées pour protéger les athlètes contre des traumatismes crâniens ou des blessures connexes, soit parce qu'elles permettent aux athlètes de revenir au jeu trop rapidement ou les y encouragent, soit parce qu'elles offrent une supervision médicale inefficace ou négligent de former les joueurs et les entraîneurs aux méthodes de prévention des commotions cérébrales.
Les écoles et conseils scolaires de l'Ontario appuient fortement, à juste titre, les activités athlétiques de leurs élèves. Bon nombre d'établissements participent à des ligues interscolaires, dans le cadre desquelles les parties se déroulent à domicile et à l'extérieur. En outre, les écoles et les conseils scolaires peuvent se retrouver dans des situations où le risque de commotion est élevé en dehors du contexte sportif — par exemple pendant les cours d'éducation physique ou le carnaval d'hiver, quand des activités physiques sont organisées.
Que peuvent donc faire les écoles et les conseils scolaires pour ne pas faire les manchettes? Ils doivent mettre en place un protocole efficace en matière de commotions cérébrales applicable à toutes les activités des élèves.
Bien que le gouvernement de l'Ontario ait tenté de modifier la Loi sur l'éducation en 2012 en y intégrant des politiques et directives obligatoires en matière de commotion cérébrale pour toutes les écoles publiques et catholiques, les modifications proposées n'ont jamais été mises en vigueur. La seule mesure prise à ce jour sur le plan législatif est l'adoption en 2015 de la Loi Rowan, qui établit le Comité consultatif de la Loi Rowan, dont le mandat consiste à examiner les recommandations formulées à la suite de l'enquête sur la mort de Rowan Stringer à 17 ans, décédée le 12 mai 2013 des suites d'une commotion cérébrale.
Les écoles et les conseils scolaires devraient plutôt se tourner vers d'autres publications pour y trouver conseil, comme le document Politique/Programmes — Note n°158 du ministère de l'Éducation, intitulé Politiques des conseils scolaires sur les commotions cérébrales (PPN 158) et les Lignes directrices sur la sécurité en éducation physique de l'Ontario de l'Association pour la santé et l'éducation physique de l'Ontario (OPHEA) .
La PPN 158 exige que toutes les écoles publiques et catholiques rédigent et tiennent à jour des politiques sur les commotions cérébrales et fournit des indications sur leur élaboration et leur mise en œuvre. Elle indique que le ministère de l'Éducation considère le protocole sur les commotions cérébrales décrit dans les Lignes directrices sur la sécurité en éducation physique de l'Ontario comme la norme minimale. Selon cette norme minimale, les politiques doivent au minimum aborder les aspects suivants : sensibilisation, prévention, repérage et procédures de gestion en cas de diagnostic de commotion cérébrale et formation. Il s'agit aussi des pratiques optimales recommandées pour les écoles indépendantes.
Tous les établissements et conseils scolaires devraient également savoir que des considérations liées à la common law régissent souvent les poursuites judiciaires intentées par des élèves. Il convient donc de se demander plus précisément si l'établissement ou le conseil scolaire s'est acquitté de son obligation de diligence en agissant selon la norme d'un parent prévoyant ou prudent, c'est-à-dire qu'il doit avoir offert une supervision raisonnable dans les circonstances afin de contrecarrer tout risque prévisible.
Cette obligation de diligence issue de la common law découle aussi des obligations dévolues aux autorités scolaires dans la Loi sur l'éducation et ses règlements : les directeurs ont le devoir d'accorder une attention soutenue à la santé et au confort des élèves et d'assurer la supervision et l'encadrement de toute activité scolaire autorisée par le conseil, tandis que les enseignants sont tenus de veiller au respect de toutes les procédures de sécurité raisonnables dans le cadre des cours et des activités dont ils sont responsables.
Par conséquent, nous recommandons l'élaboration et la mise en œuvre d'un protocole sur les commotions cérébrales comprenant au minimum les normes minimales décrites dans la PPN 158 et les Lignes directrices sur la sécurité en éducation physique de l'Ontario, c'est-à-dire :
- Sensibilisation et éducation accrues. Le respect de ce principe nécessite sans doute un changement de paradigme et une évolution des attitudes. Bien des élèves peuvent subir des pressions les incitant à retourner au jeu ou à leur discipline rapidement ou se sentir marginalisés en raison d'une blessure. Les écoles et les conseils scolaires devraient encourager les élèves à signaler toute blessure, en particulier les possibles traumatismes crâniens, et inciter les parents à informer l'école de l'évolution de la santé de leur enfant. Les écoles et les conseils scolaires devraient aussi prévoir des séances de formation régulières à l'intention de toutes les personnes engagées dans des activités sportives, comme les athlètes et les parents.
- Techniques de prévention propres à chaque sport ou discipline. Ces protocoles devraient s'appuyer sur les considérations suivantes, adaptées en fonction des besoins de chaque sport ou discipline :
- renseigner les athlètes sur les meilleures façons d'éviter les blessures et veiller à ce que tous soient mis au courant, même ceux qui étaient absents pendant la séance d'information;
- exiger le port de casques approuvés en tout temps et de manière appropriée, en précisant qu'ils ne protègent pas les joueurs contre toutes les blessures;
- rendre les protège-dents obligatoires, le cas échéant;
- informer les athlètes et tous les intervenants de l'importance de se conformer à ces normes et de signaler toute blessure;
- embaucher des entraîneurs et des gérants d'équipe qualifiés et bien informés.
- Méthodes de détection et de diagnostic adéquates des traumatismes crâniens. Les écoles et conseils scolaires devraient s'assurer que tous les membres du personnel scolaire connaissent les symptômes d'une commotion cérébrale et le protocole applicable. Ils devraient aussi informer les parents des étapes à suivre dans le cadre du protocole : retrait du jeu, autorisation de retourner au jeu, etc.
- Services de santé professionnels. Si une école, notamment une école indépendante, emploie une infirmière ou un infirmier ou tout autre professionnel de la santé, elle doit envisager la présence sur place de cette personne ou d'une personne désignée dotée d'une formation approfondie en matière de traumatismes crâniens lors d'activités sportives pour apporter son aide.
- Mise en place de directives strictes sur le retour au jeu et de programmes sur la marche à suivre en cas de commotion cérébrale. Les écoles et les conseils scolaires devraient mettre en œuvre des directives sur le retour au jeu tenant compte des considérations suivantes :
- Exiger, en cas de commotion cérébrale ou de symptômes connexes, un certificat médical d'un médecin spécialisé dans la gestion des commotions cérébrales;
- Prévoir des sanctions en cas de non-respect des directives (sans toutefois oublier que les attitudes doivent évoluer, ce qui veut dire qu'il ne faut pas encourager la marginalisation en cas de blessure);
- Préciser que la décision de retourner au jeu repose uniquement sur des facteurs médicaux;
- Souligner ou exiger l'application et le respect rigoureux des directives.
- Reprise des études. Les écoles et conseils scolaires devraient aussi envisager d'ajouter à leur protocole sur les commotions cérébrales une composante relative à la reprise des études. Même si l'apprentissage en classe ne présente pas de risque d'aggraver un traumatisme crânien ou de subir une autre blessure plus grave, comme c'est le cas pour les retours prématurés au jeu, les écoles et les conseils scolaires devraient s'assurer que les élèves blessés reçoivent un soutien dans leur cheminement scolaire.
Les tribunaux canadiens reconnaissent que toute pratique sportive comporte un certain risque. Cependant, il incombe aux écoles et conseils scolaires de le limiter au maximum et de réagir de manière appropriée s'il se matérialise. Plus précisément, ils doivent être conscients de la norme de diligence appliquée par les tribunaux en cas d'allégations de négligence, c'est-à-dire : l'établissement ou le conseil scolaire a-t-il offert une supervision, des soins et un encadrement suffisants selon la norme d'un parent prévoyant ou prudent? La plupart du temps, cela signifie qu'il doit avoir élaboré et appliqué un protocole sur les commotions cérébrales approprié et fourni une formation connexe.