Le 31 mars 2017, la Commission des droits de la personne de l'Ontario (la « Commission ») a publié sa Déclaration de principes sur l'accommodement religieux (la « Déclaration de principes ») sur son site Web. La Commission a déjà publié une Politique sur la prévention de la discrimination fondée sur la croyance (la « Politique sur la croyance »), conformément au mandat qui lui a été confié de formuler des directives à l'intention des tribunaux quant à l'interprétation du Code des droits de la personne de l'Ontario (le « Code»). La dernière mise à jour de la Politique sur la croyance remonte au 17 septembre 2015.
La nouvelle Déclaration de principes renferme les directives spécifiques de la Commission sur l'accommodement de l'observance religieuse dans un contexte scolaire. La Commission y souligne le rôle important des écoles en tant que « lieux au sein desquels il existe un débat positif sur l'acceptation » ainsi que le rôle des éducateurs pour ce qui est « d'encourager des environnements pluralistes qui respectent les droits de la personne. »
Selon le Code, les éducateurs doivent maintenir des lieux libres de toute discrimination et de tout harcèlement. L'accommodement est approprié quand il respecte la dignité de la personne, comble ses besoins particuliers et permet son intégration de même que sa pleine participation. Si un élève est privé de l'observance de sa croyance religieuse en raison d'une règle ou d'une norme, l'éducateur est tenu de procéder à l'accommodement de l'observance sans créer de préjudice injustifié.
La Commission nous rappelle que l'évaluation du préjudice injustifié repose sur trois considérations seulement : le coût, les sources de financement externes et les exigences en matière de santé et de sécurité. Aucun autre facteur, comme les préférences des tierces parties, n'est donc recevable. Par conséquent, la préférence de quiconque s'opposant catégoriquement à toute pratique religieuse dans les écoles ne doit avoir aucune incidence sur la question de savoir si un accommodement permettant des prières entraîne ou non un préjudice injustifié en vertu du Code.
L'aménagement d'un espace pour les prières du vendredi à l'intention des élèves musulmans constitue un accommodement approprié : les coûts sont minimes, tout comme l'atteinte à la santé et à la sécurité dans l'école. Les élèves seraient sinon forcés de choisir entre le respect des règles d'assiduité scolaire et leurs pratiques religieuses.
Comme le précise la Commission dans sa Déclaration de principes, les éducateurs doivent indiquer clairement que l'accommodement de pratiques religieuses n'est pas une activité parrainée ou un appui à une croyance particulière, mais plutôt une façon de satisfaire les besoins de personnes en matière d'accommodement religieux. Le milieu scolaire devrait rester libre de pression ou de coercition en lien avec la religion ou la croyance.
La Commission conclut sa Déclaration de principes en demandant à tous les Ontariennes et Ontariens de collaborer à cette vision d'une société qui favorise la pleine participation de chacun, quelle que soit son origine ethnique, son ascendance ou ses convictions et pratiques religieuses.
Bien que la Déclaration de principes ne mentionne pas ce qui a poussé la Commission à préparer ce document sur la question précise de l'accommodement religieux dans les écoles, sa publication coïncide avec un différend très médiatisé sur les prières musulmanes dans les écoles du conseil scolaire de district de Peel (le « conseil scolaire »).
En effet, en mars 2017, les médias ont parlé abondamment des protestations adressées au conseil scolaire contre les prières du vendredi d'élèves musulmans1. Depuis des années, celui-ci les accommodait, mais une modification récente des politiques autorisant les élèves à écrire leurs propres prières, plutôt que de les choisir dans un recueil préapprouvé, a sans doute contribué à la plus grande visibilité de cet accommodement religieux2.
Les médias ont fait état de comportements perturbateurs durant diverses réunions du conseil scolaire, y compris un incident où des pages ont été arrachées d'un Coran et un autre où des participants ont dénoncé en criant la sharia et l'endoctrinement islamique des enfants. Sur Internet, la contestation s'est notamment traduite par une pétition dont les signataires jugeaient l'accommodement trop onéreux et l'assimilaient à une exposition non sollicitée à la religion3.
La présidente du conseil, une mairesse de la région, la ministre de l'Éducation et le ministre des Services aux enfants et à la jeunesse ont tous condamné publiquement les protestations en les qualifiant d'islamophobes et confirmé que le conseil scolaire avait respecté à la lettre les obligations d'accommodement religieux qui lui sont imposées par le Code.
Le 22 mars 2017, le conseil scolaire a publié un document sur l'accommodement religieux intitulé Adaptation religieuse — Les faits essentiels, dans le but de réagir aux renseignements erronés qui circulaient sur le sujet. La présidente, Janet McDougald, a vigoureusement dénoncé le caractère islamophobe des protestations, qui se fondaient sur une opposition non pas à la religion dans les écoles publiques, mais bien aux pratiques de l'Islam. Elle s'est exprimée comme suit :
[Traduction] « Nous sommes horrifiés par le discours et les préjugés anti-musulmans que nous avons vus sur les médias sociaux, lus dans des courriels et entendus de vive voix pendant les réunions du conseil. Certains de nos élèves en sont venus à se sentir menacés, ciblés. Nous ne devons pas tolérer que la haine envers un groupe religieux, quel qu'il soit, puisse prendre racine. Nous refusons catégoriquement de le faire : cette attitude serait contraire aux valeurs de notre conseil scolaire, à notre rôle de conseillers scolaires et à nos principes en tant que Canadiens et Canadiennes4. »
La ministre de l'Éducation, Mitzie Hunter, a déclaré aux journalistes que [Traduction] « nous ne tolérons tout simplement pas la discrimination, quelle qu'elle soit [...] et rejetons tout racisme et toute forme d'islamophobie5. » La mairesse de Brampton, Linda Jeffrey, a également publié un communiqué de presse où elle donne son appui à l'accommodement des prières du vendredi en précisant que [Traduction] « le fait de permettre à des élèves musulmans de prier pendant 20 minutes dans un espace vide sous la supervision de bénévoles ne cause aucun préjudice financier. » Elle a condamné [Traduction] « la désinformation, les propos alarmistes et les purs mensonges répandus par certains6 ».
Étant donné que la Déclaration de principes a été publiée dans les jours qui ont suivi ces commentaires publics de la part de la présidente du conseil scolaire, de la mairesse et de plusieurs ministres ontariens, il est raisonnable de conclure qu'il s'agit de l'avis de la Commission sur le sujet. La Commission condamne le type d'intolérance religieuse qui est exprimé contre le conseil scolaire et confirme que celui-ci a agi de façon légale et appropriée en permettant d'accommoder les besoins de ses élèves en ce qui a trait aux prières.
1 Voir par exemple l'article de Peter Goffin, « Brampton mayor condemns 'hateful' campaign against Muslim prayer in Peel schools », The Toronto Star (13 mars 2017) (en anglais).
2 Kate McGillivray, « Pages torn from Qur'an at Peel school board meeting over prayer issue », CBC News (23 mars 2017) (en anglais).
3 Ibid.
4 Communiqué de presse du conseil scolaire de district de Peel, « Peel board takes on religious accommodation misinformation with Key Facts », (22 mars 2017) (en anglais).
5 Kristin Rushowy, « Muslim prayers in schools get provincial endorsement following intense meeting », The Toronto Star(23 mars 2017) (en anglais).
6 Communiqué de presse du Bureau de la mairesse de Brampton, « Mayor Jeffrey Supports Religious Accommodation at Peel District School Board », (9 mars 2017) (en anglais).