La saison des bilans de fin d'année ne serait pas complète sans notre revue annuelle des principales affaires de congédiement pour cause survenues au cours des 12 derniers mois un peu partout au Canada. Ce retour sur 2016 nous rappelle avec force que depuis le jugement de la Cour suprême dans McKinley c. BC Tel, il y a de cela une quinzaine d'années, qu'il s'agisse d'une altercation violente en lien avec un bagel ou de la découverte de travail au noir sur les heures de la compagnie par un appel téléphonique involontaire, le contexte dans lequel on invoque le motif valable est important.
Dans Ross v. IBM Canada Ltd. (2015) 259 A.C.W.S. (3d) 293 (Alta. Q.B.), un employé sénior occupant un poste de vendeur sur la route a été congédié pour cause lorsque son employeur a appris, par suite de deux communications téléphoniques involontaires, qu'il travaillait entre trois et quatre heures par semaine pour son entreprise familiale durant ses heures de travail régulières, ce qu'il a ultérieurement admis. Comparaissant devant la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta, IBM Canada a réussi à prouver que M. Ross avait régulièrement enfreint son code de conduite et qu'IBM ne pouvait plus raisonnablement compter sur son employé pour qu'il consacre toute son attention aux intérêts de son employeur. Comme M. Ross était un employé sur la route, son lien d'emploi avec IBM s'appuyait sur l'honneur. Cela était d'autant plus vrai, dans le contexte où l'employeur ne disposait d'aucun moyen efficace pour microgérer son employé. IBM était en droit de s'attendre de son employé qu'il lui consacre la totalité de son temps et de ses efforts et qu'il fasse sa part pour gagner le salaire relativement élevé qui lui était payé. La Cour a conclu que les normes de conduite enfreintes par M. Ross étaient au cœur du contrat d'emploi, ce qui, en toute objectivité, justifiait la conclusion d'IBM selon laquelle le lien d'emploi avait été rompu.
Dans Garreton v. Complete Innovations Inc. (2016) 263 A.C.W.S. (3d) 947 (Cour divisionnaire de l'Ontario), la Cour divisionnaire de l'Ontario s'est penchée sur l'importance du contexte par suite de « l'incident du bagel ». La demanderesse, entraîneuse, avait acheté des bagels pour une séance d'entraînement interne. Lorsqu'une employée qui ne participait pas à la séance a tenté de prendre un bagel, la demanderesse l'a attrapée par le poignet. Par conséquent, cette dernière a été suspendue avec solde pendant deux jours, l'employeur décrivant le geste comme [ traduction ] « des représailles empreintes de violence physique ». À son retour au travail après la suspension, la demanderesse a été congédiée pour une cause juste et suffisante en raison de l'incident du bagel et pour des incidents qui remontaient à plus de deux ans et pour lesquels elle avait reçu des avertissements. Toutefois, la Cour divisionnaire a maintenu la conclusion du juge de première instance, à savoir que la suspension pour « l'incident du bagel » constituait une mesure envers la demanderesse empêchant l'employeur de congédier la demanderesse lors de son retour au travail. En effet, en lien avec « l'incident du bagel » l'employeur a épuisé son recours disciplinaire en suspendant la demanderesse. Dis autrement, permettre le congédiement aurait constitué une double pénalité pour le même événement.
Dans Merritt v. Tigercat Industries Inc. (2016) 264 A.C.W.S. (3d) 628 (Cour supérieure de justice de l'Ontario), un journalier a fait l'objet de deux chefs d'accusation pour agression sexuelle sur des mineurs. Sur la liste des considérations contextuelles, on mentionnait que les faits allégués ne s'étaient pas produits au travail et qu'ils ne concernaient aucun des employés. La Cour a conclu que, si dans certaines situations limitées, l'inconduite hors des heures de travail (y compris lorsqu'elle est de nature criminelle) peut constituer un motif valable de congédiement, il doit y avoir un lien justifiable entre l'inconduite et l'employeur ou la nature du travail.
Dans Goncharova v. Marsh Lake Solid Waste Management Society (2015) 262 A.C.W.S. (3d) 384 (Cour des petites créances du Yukon), après une revue de la jurisprudence portant sur le cumul de motifs valables, un tribunal du Yukon a résumé comme suit les considérations contextuelles applicables :
[traduction] À mon avis, plus l'inconduite antérieure de l'employé se rapporte à l'inconduite dont il est accusé, plus l'effet cumulatif à l'appui de l'argument en faveur d'un congédiement est fort. A l'inverse, moins les actes antérieurs d'inconduites sont semblables à l'inconduite actuelle, moins l'effet cumulatif à l'appui d'un argument en faveur d'un renvoi motivé sera convaincant.
Quoi qu'il en soit, dans la cause Steel v. Coast Capital Savings Credit Union 2015 CarswellBC 710 (BCCA), la Cour d'appel de la Colombie-Britannique nous a récemment invités à faire montre de prudence lorsqu'il s'agit du contexte. En effet, la Cour a signalé que l'approche contextuelle ne saurait obliger le juge de première instance à trouver un juste équilibre entre d'une part la durée de service de l'employé et la qualité de son travail et d'autre part la nature et la gravité de l'inconduite. Qui plus est, cette Cour a affirmé, à propos de l'approche contextuelle, [traduction] « qu'il ne s'agit pas d'un exercice d'équilibrage entre la valeur de l'emploi pour la personne en cause et la gravité de l'inconduite ».