La gestion des risques liés aux régimes de retraite est un sujet dont les promoteurs et les administrateurs de régimes ont beaucoup discuté ces dernières années, particulièrement après l'effondrement du marché de 2008.
Depuis quelques années, la gestion des risques liés aux régimes de retraite a grandement alimenté les conversations des promoteurs et des administrateurs de régimes, surtout après le krach boursier de 2008. Dans cette deuxième publication de nos Actualités juridiques — Régimes de retraite sur la gestion des risques, nous examinons les risques liés aux placements.
Risques liés aux placements
(i) Généralités
Le facteur de risque le plus important auquel s'expose un régime de retraite est, sans aucun doute, le risque de placement. L'univers qui englobe le risque de placement est vaste et s'étend bien au-delà de ce que l'on peut considérer comme les risques principaux liés à un portefeuille de placements, tels que le risque boursier, le risque de taux d'intérêt, le risque d'inflation, le risque de crédit ou le risque de change. Compte tenu de l'offre de produits et d'instruments de placement qui n'a de cesse de croître et des techniques et outils financiers auxquels les gestionnaires de portefeuille ont maintenant accès, la liste des risques que l'on retrouve dans les prospectus et autres documents d'information s'étire souvent sur plusieurs pages.
Examinons certaines des rubriques et sous-rubriques sur le risque qui figurent dans la notice d'offre d'un fonds d'investissement destiné, parmi d'autres investisseurs, aux régimes de retraite : risques généraux (perte sur placement, concurrence, incapacité potentielle de transiger ou de rendre compte en raison d'une défaillance des systèmes, mécanismes de financement, accès au crédit, risque de litige, risque lié à une surveillance réglementaire limitée, risque d'audit fiscal), risques liés au marché (volatilité, perturbations du marché : intervention gouvernementale, risque lié à la contrepartie), risques liés à des stratégies particulières (risque lié aux opérations mixtes, risque de corrélation, risque lié aux opérations de couverture, risque lié aux opérations d'arbitrage, risque d'arbitrage de structure financière, risque lié aux placements directionnels, risque lié à la période de détention, risque lié au modèle financier), risques liés aux instruments négociés (risque lié aux produits de crédit structurés, risque lié aux titres de rang inférieur, risque lié à la liquidité des placements, risque lié aux titres synthétiques, risque lié aux dérivés), risques liés aux techniques de placement, risques liés à la structure du produit/fonds et risques liés au passif éventuel.
(ii) Risque politique
Le récent scrutin au Royaume-Uni sur la question de savoir si ce territoire devait demeurer membre de l'Union européenne a mis en lumière la nécessité pour les gestionnaires de placement de soumettre les portefeuilles qu'ils gèrent pour le compte de leurs clients à une simulation de chocs boursiers afin de voir comment ces portefeuilles réagiraient face à des événements politiques, économiques ou financiers imprévus.
Dans une large mesure, les marchés des capitaux se sont fourvoyés au sujet du Brexit, ce qui, à tout le moins, souligne la nécessité pour les gestionnaires de faire attention à ne pas trop accorder foi aux sondages d'opinion. Il faudra allouer plus de ressources à l'étude des tendances et des thèmes en matière de vote (par exemple, la tempête de protestations contre la mondialisation). Certains observateurs ont même affirmé que, dans l'avenir, la politique pourrait devenir plus importante que l'économie pour l'évaluation des actifs financiers.
Risques liés à la gestion des placements
(i) Généralités
Bien que la place qu'occupent les investissements en actif dans le portefeuille d'un régime de retraite varie en fonction du type de régime (régime à prestations déterminées ou à cotisations déterminées, ou régime combinant les deux), les responsabilités qui échoient à l'administrateur du régime quant à la façon de gérer les risques de placement ne diffèrent guère d'un régime à l'autre. Dans le contexte d'un régime à prestations déterminées, le but ultime est de dégager des rendements en tenant compte du passif et des flux de trésorerie dont le régime a besoin pour respecter ses obligations. Dans le cas d'un régime à cotisations déterminées, où l'administrateur offre une sélection de placements parmi lesquels les bénéficiaires du régime peuvent choisir, le but est d'optimiser les prestations des membres, en répartissant les divers degrés de tolérance de ceux-ci au moyen d'un éventail de placements possibles.
(ii) Énoncé des politiques et des procédures de placement
L'énoncé des politiques et des procédures de placement (EPPP) est le point de départ et la pierre d'assise de tout régime à prestations déterminées ou à cotisations déterminées, car il en expose la philosophie et les risques en matière de placements. Le contenu de l'EPPP est la responsabilité de l'administrateur du régime. Le Règlement de 1985 sur les normes de prestation de pension (Canada) (le « RNPP ») exige de l'administrateur qu'il établisse par écrit « un énoncé des politiques et des procédures de placement applicables au portefeuille de placements et de prêts [du régime] — à l'exception de celles applicables à tout compte accompagné de choix1 —, notamment en ce qui a trait aux aspects suivants : a) les catégories de placements et de prêts, y compris les dérivés, les options et les contrats à terme, b) la diversification du portefeuille de placements; c) la composition de l'actif et le taux de rendement prévu; [et] d) la liquidité des placements »2, compte tenu de tous les facteurs qui peuvent influer sur le financement et la solvabilité du régime et sur sa capacité de respecter ses obligations financières. En outre, « [l]'administrateur revoit et confirme ou modifie l'énoncé des politiques et des procédures au moins une fois par exercice. »3
L'EPPP est également un document important pour communiquer aux gestionnaires de placement la philosophie et les risques de placement du régime ainsi que les politiques et les procédures connexes, et ce, peu importe que la fonction de placement soit remplie à l'interne ou déléguée à des gestionnaires d'actifs tiers.
Stratégies
(i) Analyse de la composition de l'actif aux fins de planification des obligations
Pour en arriver à une stratégie de gestion du risque efficace qui permette d'atténuer le risque de placement dans le cas d'un régime à prestations déterminées, il faut analyser la combinaison actif-passif du régime pour comprendre la nature des obligations de celui-ci, le meilleur moment pour verser les prestations et les données démographiques sur les bénéficiaires du régime.
L'administrateur qui comprend bien les obligations du régime sera en mesure d'évaluer le degré de risque et de tolérance au risque que celui-ci est capable d'assumer. Cette évaluation doit porter entre autres choses sur l'exposition au risque de crédit (une entité unique ou un groupe d'entités associées) et au risque boursier (taux d'intérêt, taux de change, etc.). L'univers des risques qui ont été énumérés au début de cette chronique peut être évalué dans le contexte de ces degrés de tolérance.
(ii) Prudence
L'administrateur du régime est investi de la responsabilité fiduciale de veiller à ce que l'actif du fonds de retraite soit investi avec prudence. Cette règle, que l'on appelle « règle de gestion prudente », est une norme de conduite objective qui renvoie aux gestes que pose une personne prudente. On pourra, par ailleurs, la transformer en norme supérieure plus subjective en exigeant de l'administrateur qu'il mette à profit les compétences et les connaissances qu'il possède ou doit posséder de par sa profession, son métier ou ses activités. « La démonstration de l'application des règles de prudence au placement de l'actif du régime de retraite est principalement évaluée en fonction du processus selon lequel les stratégies de placement sont définies, adoptées, mises en œuvre et surveillées par rapport à l'ensemble du portefeuille du régime ».4
(iii) Diligence raisonnable
L'un des éléments fondamentaux de la règle de gestion prudente réside dans la diligence raisonnable dont les fiduciaires doivent faire preuve. La diligence raisonnable met l'accent sur les processus et l'importance d'avoir une bonne structure de gouvernance, un processus décisionnel équilibré, des documents et une tenue de dossiers appropriés, ainsi que la capacité de surveiller et d'évaluer les procédures de gestion des placements.
La prudence exige également que l'on délègue dûment la gestion à des gestionnaires de placement dotés des compétences, des connaissances et de l'expérience pertinentes et nécessaires, sans oublier que l'administrateur demeure responsable de ces activités déléguées.
(iv) Restrictions, conformité et présentation d'information en matière de placements
La plupart des provinces ont intégré les règles fédérales sur les placements, en particulier celles de l'annexe III du RNPP, à leur législation locale. Ces règles comportent des limites portant, entre autres, sur la diversification, le contrôle d'une personne morale et les investissements ou transactions des personnes apparentées. Ces limites sont de nature détaillée et leur application peut se révéler complexe, surtout dans le cas de structures d'investissement à plusieurs niveaux où des véhicules de placement amalgamés sous-jacents sont utilisés. Ces limites ont en outre été actualisées par suite de modifications des règles avec effet le 1er juillet 2016.
En Ontario, l'administrateur est désormais tenu de déposer un EPPP pour chaque régime de retraite enregistré qu'il administre ainsi que le Formulaire 14 auprès de la Commission des services financiers de l'Ontario. Entre autres exigences prévues au Formulaire 14, l'administrateur doit fournir une attestation de conformité à la législation ontarienne en matière de retraite ainsi qu'aux règles d'investissement fédérales. Le Formulaire 14 renferme des questions détaillées sur les placements du régime, notamment sur les pratiques de placement et la fréquence à laquelle l'administrateur surveille les résultats de ses gestionnaires de placement. Le dépôt de l'EPPP met plus que jamais en lumière la responsabilité qui incombe aux administrateurs de régimes de documenter la façon dont les risques de placement sont traités.
Notre prochain numéro des Actualités juridiques — Régimes de retraite portera sur les risques associés à l'administration.
Consultez l'édition précédente Actualités juridiques – Régimes de retraite : les risques financiers
1 Conformément aux modifications apportées à l'article 7.1 du RNPP qui sont entrées en vigueur le 1er avril 2015, l'EPPP a établi un régime de retraite enregistré fédéral pour lequel il n'est pas nécessaire d'attribuer l'actif à un « compte accompagné de choix » au sens du RNPP. Le gouvernement fédéral a plutôt présenté une série d'obligations en matière de communication de l'information concernant les choix de placement offerts aux termes des comptes accompagnés de choix. L'une des obligations consiste à décrire chaque choix de placement en indiquant le type de placement et le degré de risque qui lui est associé.
2 Art. 7.1(1) RNPP
3 Art. 7.2(1) RNPP
4Ligne directrice n° 6 — Ligne directrice relative aux pratiques prudentes de placement des régimes de retraite, ACOR