De plus en plus d'employeurs requièrent que les candidats intéressés par une offre d'emploi se soumettent à un examen médical dans le cadre du processus de recrutement — pourvu, bien entendu, que le poste convoité comporte des exigences médicales justifiées par les fonctions au sens de la Charte des droits et libertés de la personne (la « Charte »). Cette pratique a amené plusieurs employeurs à se questionner sur le droit de refuser d'embaucher un candidat sur la base des résultats d'un examen médical pré-embauche.
Pendant plusieurs années au Québec, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (la « Commission ») a défendu la position selon laquelle tout employeur doit présenter une offre d'emploi conditionnelle à la réussite de l'examen médical avant d'exiger que le candidat s'y soumette. La Commission argumentait vouloir ainsi éviter qu'un employeur soit libre d'embaucher uniquement les candidats qui ont une santé dite « exemplaire », voire « parfaite ».
Dans une récente décision rendue par le Tribunal des droits de la personne et des droits de la jeunesse (le « Tribunal »), Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Bathium Canada inc.,1 une des questions en litige qu'il devait trancher était à savoir si l'administration de l'examen médical pré-embauche par l'entreprise Bathium, sans offre formelle d'embauche conditionnelle à l'examen médical, avait compromis le droit du candidat à un processus d'embauche exempt de discrimination contrairement à la Charte.
En concluant qu'un examen médical pré-embauche n'a pas obligatoirement à être précédé d'une offre conditionnelle d'emploi, le Tribunal a écarté la position traditionnellement soutenue par la Commission.
Plus particulièrement, dans cette décision, l'entreprise Bathium était activement à la recherche de candidats qualifiés pour subvenir à ses besoins accrus en matière de développement, fabrication et commercialisation de matériaux.
À la suite d'une entrevue, Bathium invite M. Genewicz à se présenter à une clinique médicale pour la deuxième étape du processus d'embauche, soit l'examen médical. Bathium justifie la soumission à un examen médical du fait que certaines aptitudes techniques et une bonne dextérité manuelle sont requises pour l'emploi. À ce stade du processus de recrutement, aucune offre d'emploi, conditionnelle ou non, n'est présentée au plaignant. De l'avis de la Commission, Bathium aurait dû a priori présenter une offre d'emploi à M. Genewicz.
Le certificat médical provenant de la clinique indique que le candidat est en excellente santé, mais qu'il souffre par ailleurs d'« obésité morbide ». Quelques semaines plus tard, Bathium avise M. Genewicz que sa candidature n'est pas retenue. Convaincu que ce refus est basé sur sa condition médicale personnelle, découverte lors de l'examen médical, M. Genewicz dépose une plainte pour discrimination basée sur le motif du « handicap » à la Commission.
Au Québec, un examen médical pré-embauche ne doit pas obligatoirement être précédé d'une offre conditionnelle d'emploi.
Après avoir examiné la législation sur les droits de la personne d'autres provinces ainsi que le Journal des débats relatifs aux travaux parlementaires, le Tribunal a conclu néanmoins que l'administration d'un examen médical pré-embauche par Bathium, sans offre officielle d'emploi conditionnelle à la réussite d'un tel examen, ne compromettait pas le droit du candidat à un processus d'embauche exempt de discrimination. Cet examen peut donc faire partie du prolongement des étapes prévues à l'entrevue afin de confirmer les aptitudes du candidat. Il appert ainsi que l'état du droit au Québec, conformément à cette interprétation rendue par le Tribunal dans cette récente décision, permet aux employeurs d'analyser l'information médicale nécessaire et requise au sujet des candidats avant de leur présenter, le cas échéant, une offre d'emploi.
Le tribunal retient par ailleurs que Bathium faisait habituellement appel à une clinique médicale qui connaissait bien les exigences physiques des postes chez l'employeur. Ce fournisseur n'étant pas disponible afin de compléter l'examen de M. Genewicz, elle a fait appel à une autre clinique médicale. Celle-ci a transmis à l'employeur l'ensemble des résultats d'examen médicaux, plutôt que de s'en tenir à l'informer si l'état de santé du candidat était compatible avec les exigences du poste convoité.
La Commission recherchait une ordonnance mandatoire à l'effet que la pratique en place chez Bathium était discriminatoire. Elle n'obtint pas cette ordonnance. Elle recherchait également une condamnation de 10 000 $ en dommages moraux et 10 000 $ en dommages punitifs. Or, le tribunal conclut qu'en tenant compte de « l'obésité morbide », qui est un handicap perçu, la clinique, ès qualité de mandataire de l'entreprise, a engagé la responsabilité de l'employeur. Pour cette raison, le Tribunal a condamné Bathium à verser au candidat un montant de 2 000 $ en dommages moraux, puisqu'à son avis il y a eu un manque de vigilance dans l'octroi du contrat de service à son fournisseur occasionnel quant au contenu de l'examen médical souhaité. Le tribunal rejette cependant toutes les autres conclusions recherchées par la Commission quant au reliquat des dommages moraux et punitifs.
En somme, cette décision confirme qu'au Québec un employeur ne peut recueillir que les renseignements médicaux considérés pertinents et nécessaires aux fins de l'emploi et que la demande d'examen médical pré-embauche n'a pas à être conditionnelle à une offre d'emploi. L'employeur québécois peut donc exiger d'un candidat qu'il se soumette à une expertise médicale validant ses aptitudes physiques à accomplir l'emploi.
1 2015 QCTDP 13