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Perspectives

Publication d'une décision apportant un rare éclairage sur l'application d'un « droit à l'oubli » au Québec

Le 14 avril 2016, la Commission d'accès à l'information (la « CAI ») a rendu une décision discutant de la pertinence du « droit à l'oubli » dans l'examen du « droit à la rectification » prévu dans la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, RLRQ, c. P-39.1.

Faits en l'espèce

Dans C.L. c. BCF Avocats d'affaires, 2016 QCCAI 114, la demanderesse était une ancienne employée d'un bureau d'avocats. Elle prétendait que même après son départ du bureau, son nom était encore lié à celui de son ancien employeur lorsqu'entré dans différents moteurs de recherche sur Internet. Elle a donc déposé une demande de rectification devant la CAI, réclamant que toute mention de son nom ou d'autres renseignements la concernant soient retirés du site Web de l'entreprise. Ayant vécu une expérience négative lorsqu'elle était employée, elle craignait que ses futurs employeurs ou employeurs potentiels contactent l'entreprise afin de demander des références. L'entreprise, de son côté, maintenait qu'il n'y a aucune trace du nom ou des informations de son ancienne employée sur son site ou serveur. Le site ne contenait pas non plus de « Tags » permettant d'expliquer les résultats des moteurs de recherche.

La CAI a rejeté la demande d'examen de mésentente concernant la demande de rectification, étant d'avis que l'entreprise a rempli ses obligations légales en retirant toute information concernant la demanderesse de son site Internet. Reconnaissant que certains moteurs de recherche liaient encore le nom de la demanderesse au site Web de l'entreprise, la CAI a expliqué que cela est dû à une archive digitale appelée « Wayback Machine ». Cette dernière permet aux utilisateurs de voir des versions archivées des pages de sites Web à travers le temps, incluant une version du site Web de l'entreprise datant de l'époque où la demanderesse y travaillait encore. Selon la CAI, l'entreprise n'était pas en possession pas de renseignements « inexacts, incomplets ou équivoques » à propos de la défenderesse, puisque l'information, telle qu'elle apparaissait en 2013, — et qui est encore disponible aujourd'hui via Wayback Machine — était exacte au moment où elle était en ligne.

À ce propos, la CAI note que le droit à la rectification quant aux informations « inexactes, incomplètes ou équivoques » est distinct du « droit à l'oubli ». Ce droit, qui a été reconnu dans l'Union européenne, permet aux individus d'empêcher les moteurs de recherche de fournir des liens menant à de l'information à leur propos qui est considérée « inadéquate, non pertinente ou excessive au regard des finalités du traitement ».

Impact sur le « droit à l'oubli »

Suite à cette décision, il est clair que le droit à l'oubli doit être distingué du droit à la rectification, ces deux droits étant différents, tant d'un point de vue conceptuel que pratique. En outre, la CAI mentionne qu'il n'est pas certain que le droit à l'oubli trouve application au Québec. Cette question en est une d'actualité, considérant que le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a récemment choisi de faire de la réputation et de la vie privée une de ses priorités pour les 5 prochaines années en plus de lancer une consultation afin de savoir si le droit à l'oubli pourrait trouver application au Canada. Le cas présent est l'une des rares décisions canadiennes sur le sujet et donne, dans une certaine mesure, un aperçu de la position de la CAI concernant l'application du droit à l'oubli au Québec.

  • Par : Raphaël Girard