Au Royaume-Uni, cependant, une mise à jour législative est en cours en regard d’une obligation analogue introduite il y a plus 88 ans afin de tenir compte de l’utilisation des véhicules autonomes. Il s’agit de l’Automated and Electric Vehicles Act (la « Loi »), qui a reçu la sanction royale le 19 juillet 2018. En plus de fournir un cadre réglementaire pour le déploiement des véhicules automatisés et électriques, elle étend la garantie d’assurance à l’utilisateur d’un tel véhicule, et ce, même lorsque le mode automatique est activé. Ce modèle particulier de garantie est parfois considéré comme une « police intégrale », à savoir une seule police couvrant tous les accidents, que la conduite du véhicule nécessite l’intervention humaine ou soit entièrement automatique.
La Loi prévoit un modèle d’assurance intéressant qui mérite d’être considéré par les gouvernements, assureurs, constructeurs et autres parties prenantes dans le contexte canadien. Les débats en deuxième lecture qui ont été consignés dans le Hansard de la Chambre des lords traduisent l’intention sous-jacente à ce cadre réglementaire proposé en matière d’assurance :
[Traduction] « Pour garantir l’arrivée sur le marché des véhicules automatisés en toute sécurité, il conviendra de mettre en place un cadre d’assurance automobile obligatoire adapté afin de soutenir les consommateurs et les entreprises impliqués dans un accident. Or, le projet de loi prévoit un tel cadre. À l’heure actuelle, c’est l’utilisation du véhicule, plutôt que le véhicule lui-même, qui est assurée. La garantie offerte pour les collisions qui mettent en cause des véhicules automatisés et qui surviennent lorsque le conducteur s’est légitimement désengagé de la conduite pourrait donc ne pas s’appliquer. Après avoir mené une vaste consultation auprès des parlementaires, de l’industrie automobile et de l’industrie de l’assurance, et avoir travaillé en étroite collaboration avec eux, le gouvernement ajoute au projet de loi un nouveau cadre d’assurance obligatoire qui couvre les automobilistes à la fois lorsqu’ils conduisent le véhicule et lorsqu’ils remettent légitimement le contrôle de sa conduite à ce dernier. Ce cadre attribuera en tout premier lieu la responsabilité d’une collision à l’assureur afin qu’il puisse indemniser les victimes et, si possible, recouvrer les coûts auprès de la partie responsable. »
L’article 2 de la Loi précise que l’assureur est responsable du préjudice découlant d’un accident causé par un véhicule automatisé conduit sans intervention humaine lorsque le véhicule est assuré au moment de l’accident et qu’une personne assurée ou un tiers subit un préjudice en raison de celui-ci. La Loi définit un « véhicule conduit sans intervention humaine » (a vehicle driving itself) comme un véhicule [Traduction] « dont le mode de fonctionnement n’est pas contrôlé par une personne ni ne requiert sa surveillance ». La Loi prévoit également la possibilité que la garantie ne s’étende pas aux accidents qui sont directement attribuables à des modifications logicielles non autorisées ou à l’absence de mises à niveau de logiciels qui sont essentielles à la sécurité et que l’assuré sait ou devrait raisonnablement savoir essentielles pour la sécurité. Elle limite aussi la garantie dans les cas où l’accident est causé par la négligence de l’assuré qui a opté pour le mode de conduite sans intervention humaine alors qu’il n’était pas approprié de le faire. Une fois conclu le règlement d’une réclamation avec la victime (ou à la suite d’un jugement), l’assureur peut alors tenter de recouvrer les coûts ainsi assumés auprès du tiers responsable, notamment le constructeur du véhicule autonome.
Globalement, la Loi garantit que le cadre d’assurance automobile demeure pour les particuliers le principal mécanisme d’indemnisation et de recouvrement, contrairement au recouvrement effectué auprès des constructeurs tel que le prévoient les lois sur la responsabilité du fait du produit. Malgré les changements en profondeur attribuables aux véhicules autonomes, il semble que la donne demeure la même pour les assureurs automobiles au Royaume Uni, du moins jusqu’à ce que les véhicules autonomes deviennent si populaires qu’une nouvelle mise à jour de la réglementation ne s’impose.
La solution britannique de la « politique intégrale » semble fournir une réponse – ou du moins remet provisoirement en question les sombres projections de certains, dont Warren Buffet, qui s’est récemment dit d’avis que les automobiles autonomes nuiraient à l’industrie de l’assurance. Bien qu’il existe certaines différences importantes entre le régime d’assurance automobile en vigueur au Canada et celui que l’on connaît au Royaume-Uni (dans ce dernier, par exemple, les polices d’assurance ne comportent aucun montant de garantie), cette loi britannique pourrait offrir à l’Ontario et à d’autres provinces et territoires canadiens (qui ont tous leurs propres lois sur l’assurance et la responsabilité) un modèle qui permette de repenser le cadre réglementaire actuel de l’assurance automobile en tentant de concilier les intérêts des multiples parties prenantes dans la perspective du déploiement des véhicules autonomes. Le cas échéant, le modèle britannique démontrerait l’importance pour les assureurs et les constructeurs automobiles de collaborer dès maintenant avec le gouvernement pour trouver des solutions qui fonctionnent sur le plan de la réglementation.
1 Loi sur l’assurance-automobile obligatoire, 1979, L.O. 1979, chap. 87 (promulguée en 1980).