Ce qu’il faut savoir
Le 26 mai 2022, le Bureau du surintendant des institutions financières (« BSIF ») a publié une ébauche de sa ligne directrice (la « ligne directrice ») sur la gestion des risques climatiques. Cette dernière établit les attentes du Bureau envers les institutions financières fédérales (« IFF ») pour ce qui touche la gestion des risques climatiques, qu’il sépare en deux catégories : les risques physiques et les risques de transition. Pour de plus amples renseignements sur la gestion des risques climatiques dans le secteur financier, consultez l’article de BLG sur la COP26 et le financement climatique. La ligne directrice du BSIF propose d’exiger des IFF qu’elles élaborent et publient des stratégies d’avenir holistiques et intégrées qui s’appuient sur des données et des analyses empiriques fiables. Ce cadre s’avérerait un moyen judicieux de soutenir ces institutions dans l’amélioration de leur gestion des risques climatiques et de leur résilience à cet égard.
La ligne directrice mentionne les recommandations du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (les « recommandations du GIFCC ») de même que les paramètres de communication d’information sur les changements climatiques présentés par l’International Sustainability Standards Board (« ISSB ») dans son projet de norme de déclaration faisant actuellement l’objet d’une consultation publique.
En plus des exigences de divulgation basées sur les recommandations du GIFCC et les paramètres de l’ISSB, la ligne directrice entend imposer aux IFF d’utiliser continuellement l’analyse de scénarios axés sur le climat pour :
- prendre des décisions stratégiques éclairées;
- élaborer et publier un plan de transition climatique;
- communiquer leurs engagements en matière de carboneutralité (s’il y a lieu).
Le BSIF mettra au point un exercice normalisé d’analyse de scénarios climatiques qui permettra d’évaluer l’exposition globale des IFF aux risques physiques et de transition et de comparer leurs approches en la matière. Les IFF devront tester ces mises en situation et communiquer leurs résultats au BSIF. Elles seront également tenues de divulguer l’information exigée dans la ligne directrice dans les 180 jours suivant la fin d’un exercice; l’endroit où elles le feront demeurera toutefois à leur discrétion.
Les exigences de la ligne directrice demanderont aux IFF de repenser leurs stratégies et leurs activités dans un avenir rapproché afin de tenir compte des risques climatiques et de respecter leurs obligations réglementaires.
Le BSIF entend examiner et modifier la ligne directrice à mesure que les pratiques évoluent et que les normes s’harmonisent. Il accueille par ailleurs les commentaires du public jusqu’au 19 août 2022. La version finale de la ligne directrice, accompagnée d’un résumé anonymisé de la rétroaction reçue et de la réponse du Bureau, devraient être publiés d’ici le début de 2023.
Mise en contexte
En 2019, le Groupe d’experts sur la finance durable a souligné l’importance de tenir compte de la gestion des risques climatiques dans la surveillance, la réglementation et la supervision des institutions financières canadiennes. Dans son rapport final, il a recommandé que la Banque du Canada et le BSIF commencent officiellement à superviser les processus de gestion des risques climatiques des IFF et à fournir des conseils précis quant aux exigences réglementaires connexes lorsque cela est approprié.
En réponse à cette recommandation, la Banque du Canada et le BSIF ont collectivement :
- pris l’engagement de déclarer les risques financiers liés au climat dans leurs rapports de politique monétaire, leurs examens des systèmes financiers et d’autres rapports périodiques (novembre 2021);
- pris l’engagement de divulguer les risques financiers liés au climat conformément aux suggestions du GIFCC (reportez-vous à notre article à ce sujet pour plus de détails) (novembre 2021);
- mené une consultation avec les IFF et les régimes de pension sous réglementation fédérale et publié un document de travail intitulé « Incertitude et changements climatiques » (nous avons également publié un article sur cette consultation) (octobre 2021).
- exécuté un projet pilote sur la résistance aux risques climatiques et publié le rapport « Utiliser l’analyse de scénarios pour évaluer les risques liés à la transition climatique » (janvier 2022).
Résultats escomptés
Le BSIF vise principalement trois résultats en publiant sa ligne directrice :
- Résultat 1 : L'IFF comprend et atténue les répercussions possibles des risques climatiques sur son modèle et sa stratégie d'affaires.
- Résultat 2 : L'IFF dispose de pratiques de gouvernance et de gestion des risques appropriées pour gérer les risques climatiques identifiés.
- Résultat 3 : L'IFF demeure résiliente sur le plan financier face à des scénarios de risques climatiques graves, mais vraisemblables, et résiliente sur le plan opérationnel malgré les perturbations causées par des catastrophes climatiques.
Survol de la ligne directrice
La ligne directrice compte deux chapitres et cinq annexes. Le premier chapitre expose les attentes du BSIF en matière de gouvernance, de gestion des risques, d’analyse de scénarios climatiques et de simulation de crise et de suffisance des fonds propres et des liquidités. Pour chacune de ces quatre catégories, le Bureau a élaboré des principes et fourni des précisions.
Gouvernance |
Principe 1 : Les IFF doivent tenir compte des répercussions des changements climatiques et de la transition vers une économie à faibles émissions de gaz à effet de serre (GES) dans leur modèle et leur stratégie d’affaires, notamment en élaborant un plan de transition climatique. Principe 2 : Les IFF doivent avoir mis en place des processus de gouvernance, des politiques et des pratiques appropriés pour gérer les risques climatiques. Elles peuvent par exemple lier la rémunération de leurs cadres supérieurs à leur performance en matière de gestion des risques climatiques. |
Gestion des risques |
Principe 3 : Les IFF doivent mettre en place des processus pour tarifer adéquatement les actifs et passifs sensibles aux risques climatiques et gérer ces expositions conformément à leur cadre de gestion de la propension à prendre des risques. Cela passe entre autres par l’utilisation de données fiables, actuelles, pertinentes et exactes sur les risques climatiques (p. ex. sur les émissions de GES et l’exposition en fonction de la position géographique). Principe 4 : Les IFF doivent atténuer les répercussions des catastrophes climatiques sur leurs activités essentielles. Cela signifie d’envisager une foule de scénarios graves – mais plausibles – chaque fois qu’elles prennent des décisions concernant leurs activités. |
Analyse de scénarios climatiques et simulation de crise |
Principe 5 : Les IFF doivent utiliser l’analyse de scénarios climatiques pour évaluer l’incidence des facteurs de risques climatiques sur leur profil de risque, leur stratégie d’affaires et leur modèle d’affaires. Autrement dit, l’analyse de scénarios climatiques doit s’inscrire dans leur infrastructure de simulation de crise. Le BSIF vise d’ailleurs à élaborer un exercice normalisé d’analyse de scénarios climatiques afin d’évaluer l’exposition globale aux risques physiques et de transition; les IFF seront tenues d’appliquer ces scénarios et de faire rapport de leurs résultats. |
Suffisance des fonds propres et des liquidités |
Principe 6 : Les IFF doivent maintenir des réserves de fonds propres et de liquidités suffisantes pour couvrir leur exposition aux risques climatiques. Il est donc important qu’elles tiennent compte des risques climatiques dans leur processus interne d’adéquation des fonds propres ou leur évaluation des risques et de la solvabilité; elles devraient notamment examiner leurs besoins en capital en fonction de scénarios climatiques dramatiques (mais réalistes) et de risques climatiques inattendus. |
Principes de communication efficace de l’information
Les recommandations du GIFCC comprennent des principes de communication efficace de l’information que toute entité doit suivre pour remplir ses obligations. Voici les sept principes de communication efficace :
- Les IFF doivent fournir des renseignements pertinents (recomm
- Les IFF doivent communiquer des renseignements précis et complets.
- Les IFF doivent fournir des renseignements clairs, équilibrés et compréhensibles.
- Les IFF doivent fournir des renseignements de façon uniforme au fil du temps.
- Les IFF doivent fournir des renseignements appropriés en fonction de leur secteur d’activités, de leur industrie ou de leur offre.
- Les IFF doivent fournir des renseignements fiables, vérifiables et objectifs.
- Les IFF doivent fournir des renseignements le plus rapidement possible.
Le chapitre 2 de la ligne directrice emprunte ces principes, à deux différences près : (1) elle laisse tomber le principe 7; (2) elle modifie le principe 5 et recommande que les déclarations soient adaptées à la taille, à la nature et à la complexité des IFF.
Là où le bât blesse : les annexes
Certaines des obligations les plus contraignantes de la ligne directrice se trouvent dans les annexes. Plus particulièrement, l’annexe 2-1 stipule que le BSIF s’attend à ce que les déclarations concernant les risques financiers liés au climat :
- répondent à des attentes basées sur les recommandations du GIFCC et le projet de norme de déclaration de l’ISSB pour ce qui touche la gouvernance, la stratégie, la gestion des risques, les indicateurs et cibles (c.-à-d. les quatre piliers des recommandations du GIFCC), les émissions de GES, les paramètres intersectoriels de l’ISSB (qui exigent la divulgation des émissions de GES de portée 1, 2 et 3 pour toutes les entités, tous secteurs d’activité confondus) et les paramètres de l’ISSB propres aux banques et aux assureurs;
- comprennent un plan de transition climatique;
- énoncent les objectifs de carboneutralité des IFF (le cas échéant).
En outre, l’annexe 2-2 énonce les attentes minimales envers chaque catégorie d’IFF pour ce qui est de la communication d’information sur les risques financiers liés au climat – à noter que seules les petites et moyennes institutions de dépôt de catégorie 2 et 3 et les assureurs fédéraux sont exemptés de l’obligation d’information touchant les émissions de GES de portée 3. Pour déclarer ce type d’émissions en lien avec leurs prêts et investissements, les IFF doivent se fier à la norme Global GHG Accounting and Reporting Standard for the Financial Industry du Partnership for Carbon Accounting Financials (ou à une norme sectorielle comparable).
BLG continuera à suivre les initiatives de changement menées par le secteur financier au Canada ainsi que les consultations internationales sur les risques climatiques. N’hésitez pas à communiquer avec l’un des auteurs de cet article ou l’une des personnes-ressources dont le nom figure ci-après si vous avez des questions sur la version à l’étude de la ligne directrice du BSIF ou la consultation connexe.