Les secteurs du jeu vidéo, du commerce de détail et des événements sont parmi les premiers à tirer parti des possibilités infinies du métavers. Mais qu’est-ce que le métavers, au juste? Quels sont les secteurs qui y sont représentés? À quels risques les entreprises canadiennes s’exposent-elles? Et comment pouvez-vous vous préparer pour l’avenir? Vous trouverez les réponses à toutes ces questions dans la première partie de notre série sur le métavers.
Qu’est-ce que le métavers?
Le métavers est un monde numérique en trois dimensions qui ne cesse d’évoluer; les utilisateurs peuvent y emprunter une ou plusieurs identités virtuelles (que l’on appelle « avatar ») et interagir les uns avec les autres au moyen de technologies de réalité augmentée et de réalité virtuelle.
Cet univers s’appuie sur cinq caractéristiques : la persistance (il continue d’exister, que les utilisateurs y soient ou non), le synchronisme (les interactions y ont lieu en temps réel), l’interopérabilité (on peut passer d’une plateforme à l’autre facilement – quoique cet aspect reste à peaufiner), l’échange (il y existe un système économique) et l’infinité (il n’y a aucune limite quant au nombre de participants ou aux possibilités).
Il est possible d’acheter ou de vendre à peu près n’importe quel actif numérique dans le métavers. On y retrouve actuellement des terrains, de l’art visuel, de la musique, des articles de jeu et des objets de collection, entre autres. La propriété de ces actifs est attestée par des jetons non fongibles, à savoir des certificats de propriété vérifiés et échangés par l’intermédiaire de la technologie de la chaîne de blocs. Il y a toutefois des risques de duplication puisque les objets n’existent pas physiquement.
Soulignons au passage que le métavers ne constitue pas encore un environnement immersif centralisé; plusieurs plateformes offrent des métavers différents, et la création d’une expérience homogène dans un seul et même monde numérique exigerait un effort de collaboration sans précédent.
Quels sont les principaux enjeux juridiques à prendre en compte?
La législation canadienne comporte actuellement très peu de mécanismes de réglementation des activités dans le métavers. Il devient cependant de plus en plus important de se pencher sur certains enjeux juridiques clés, concernant notamment la responsabilité du fait du produit, la protection de la vie privée et des renseignements personnels ainsi que les modalités contractuelles.
Des incidents dans le monde réel, par exemple des utilisateurs qui se blessent en trébuchant, qui vomissent, ou même qui ont des malaises cardiaques à cause d’expériences virtuelles trop réalistes, pourraient exposer les fournisseurs de casques ou d’autres équipements de réalité virtuelle à des réclamations importantes liées à la négligence et à la responsabilité du fait du produit.
Les plateformes qui numérisent le visage et le corps des utilisateurs et celles qui vont jusqu’à sauvegarder leurs expressions faciales, leur gestuelle et leurs réactions physiologiques soulèvent aussi plusieurs questions inédites relatives à la protection de la vie privée et des données. Il reste par ailleurs à déterminer quelles lois en matière de vie privée s’appliquent dans le cas d’un litige ou d’une cyberattaque dans le métavers. Selon l’emplacement d’une entreprise, de ses serveurs ou de ses utilisateurs, il est possible qu’on doive se reporter à la législation de plusieurs territoires – ou même à des lois internationales.
Pour l’instant, aucune loi publique n’encadre les activités du métavers; les utilisateurs consentent plutôt à des contrats privés, ce qui ouvre la porte à des conflits, notamment concernant les ventes, les services et les droits de propriété intellectuelle (« PI »).
Les opérations simples s’effectuent principalement par l’entremise de contrats intelligents : l’achat d’un terrain dans un espace virtuel, par exemple, se fait par l’échange de jetons entre les utilisateurs. Les transactions plus complexes peuvent toutefois nécessiter la conclusion de contrats traditionnels.
Les entreprises qui signent des ententes dans le métavers doivent clairement définir les modalités des droits de PI associés aux jetons non fongibles et se préparer à tout litige potentiel en prévoyant des clauses d’arbitrage et de médiation efficaces. En outre, les organisations qui possèdent de la PI dans le monde réel, surtout les marques grand public, doivent garder un œil sur les plateformes virtuelles afin de surveiller d’éventuelles contrefaçons.
Quels sont les secteurs qui soulèvent des questions juridiques particulières?
Immobilier commercial
En 2021, les opérations immobilières dans le métavers ont atteint 500 M$ (article en anglais). L’investissement dans des biens immobiliers accessibles au moyen de la réalité virtuelle ou augmentée en attire plusieurs, mais ce domaine toujours non réglementé comporte des risques importants, notamment pour ce qui touche les droits de propriété.
En effet, les propriétaires de biens virtuels ne reçoivent pas d’acte de vente comme dans le cas d’une opération dans le monde réel. La propriété est plutôt enregistrée sur la chaîne de blocs et dans le portefeuille numérique du propriétaire; une cyberattaque pourrait donc en effacer toute preuve.
De plus, les plateformes de métavers ne sont pas toutes soumises à des obligations juridiques quant au maintien de leur infrastructure. Decentraland et The Sandbox, deux métavers de premier plan, se réservent explicitement le droit de modifier ou de fermer leur plateforme à leur discrétion.
Même lorsque la propriété d’un bien n’est pas en jeu, les propriétaires peuvent se voir confrontés à de nouveaux problèmes tels que l’entrée d’utilisateurs sans permission et les questions de servitude, dont les limites restent à déterminer.
Soins de santé
La médecine virtuelle a connu d’importantes avancées pendant la pandémie de COVID-19, ce qui ouvre la porte à un monde de possibilités en matière de soins de santé dans le métavers.
Un environnement numérique permet notamment aux professionnels de s’entretenir avec des patients de partout dans le monde et de suivre une formation médicale plus efficace, notamment au moyen de la réalité virtuelle. D’autres innovations du métavers comprennent également l’utilisation de « jumeaux numériques » afin de mieux prévoir le vieillissement d’une personne, son processus de convalescence et sa réaction à certains médicaments.
Évidemment, la collecte et la protection des renseignements personnels constituent des préoccupations majeures dans ce contexte. Les soins de santé dans le métavers sont généralement régis par les lois fédérales et provinciales en la matière, et les publicités doivent respecter les exigences légales et réglementaires applicables.
Fusions et acquisitions
La valeur du marché du métavers se chiffre à plus de 100 G$ US en 2022. Les activités de fusions et acquisitions, entre autres, y connaissent actuellement une hausse à la faveur d’investissements de milliards de dollars de géants comme Microsoft, Meta et Google.
En ce moment, l’une des principales préoccupations entourant ce genre d’opérations est le respect des lois sur la concurrence en vigueur dans le monde réel. Il ne s’agira probablement pas d’un problème majeur pour les petites entreprises qui œuvrent dans le métavers, mais la croissance du secteur des fusions et acquisitions et la coopération accrue entre les entreprises pourraient soulever plusieurs enjeux d’antitrust alors que le métavers continue de se développer et que les acteurs dominants cherchent constamment à améliorer l’expérience des utilisateurs.
Quelles mesures les entreprises canadiennes devraient-elles prendre dès maintenant?
Les entreprises qui souhaitent tirer parti des possibilités du métavers en pleine évolution devront trouver des moyens de faire preuve de créativité dans la rédaction de leurs ententes contractuelles, sans toutefois oublier de se protéger adéquatement contre les risques juridiques bien réels qui ne manqueront pas de se multiplier et de se complexifier avec le temps. Un bon point de départ pour démystifier ce nouvel environnement virtuel est de faire appel à un conseiller juridique le plus rapidement possible. N’hésitez pas à communiquer avec les auteurs du présent article ou l’une des personnes-ressources ci-après pour trouver réponse à vos questions.