une main qui tient une guitare

Perspectives

Mondialisation - la prochaine étape

Se préparer à un monde en transition

L’année 2020 a été marquée par les perturbations et les changements alors que la pandémie de COVID-19 a frappé le monde entier, obligeant les économies mondiales à suspendre leurs activités et entraînant d’importants effets sur le commerce international et les flux de capitaux. La moitié de l’année 2021 étant maintenant écoulée, de nombreux pays sortent de leur isolement : les activités commerciales mondiales redémarrent dans un paysage économique changé. Mais quels sont ces changements? Et que nous réserve la suite des choses?

Peter Zeihan, stratège géopolitique, conférencier et auteur des ouvrages à succès The Accidental Superpower, The Absent Superpower et Disunited Nations, s’est joint à John Murphy, Prema Thiele et Alan Ross QC, membres de l’équipe de direction du cabinet et hôtes de l’événement, lors d’un webinaire où il nous a fait part de sa perspective sur l’avenir de la mondialisation. Cette discussion captivante a exposé de façon saisissante la manière dont les tendances géographiques, démographiques et industrielles influent sur l’économie canadienne et le système mondial en général. Le conférencier a également examiné d’importantes questions liées à l’avenir de la mondialisation et aux changements touchant le commerce, les flux de capitaux, l’immigration et la pénurie alimentaire de même que leur incidence continue sur l’agro-industrie canadienne, l’énergie, la fabrication, les infrastructures et la technologie, entre autres.

Le commerce international américain : la force qui préserve l’unité mondiale

M. Zeihan a commencé par expliquer comment le libre-échange mondial dépend de la viabilité de l’alliance internationale mise en place à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Bien que ce modèle ait été porteur de réussite pendant des décennies, les échecs de l’alliance se font de plus en plus ressentir aujourd’hui. À ce titre, M. Zeihan a souligné la violation formelle des règles du commerce international sous l’administration Trump, et signalé que le président Biden ne semblait pas pressé de réaffirmer ces règles. Il a affirmé que [traduction] « si les États-Unis ne maintiennent pas le réseau mondial, le commerce ne fonctionnera pas. Les pays doivent soit faire partie du réseau américain ou faire cavalier seul. » Le Canada, le Mexique, la Corée, le Japon et le Royaume-Uni ont obtenu leur place dans le nouveau portefeuille commercial des États-Unis même si ces derniers privilégiaient davantage des politiques commerciales intérieures.

Par conséquent, il a également fait valoir que la mondialisation pourrait bien être à sa fin. La COVID-19 a accéléré ce processus. La nouvelle réalité mondiale donnera lieu à une recrudescence du nationalisme économique dans les pays aux structures démographiques favorables et causera un effondrement de la consommation mondiale.

Pourquoi la convergence de facteurs géopolitiques et démographiques annonce-t-elle la fin de l’ère de la mondialisation, et qu’a à voir la génération Y dans le portrait?

Une dépopulation mondiale sans précédent réduit le poids des consommateurs, qui, selon M. Zeihan, ne se rétablira pas à l’échelle mondiale de notre vivant. La structure démographique qui soutenait le système commercial international est en déclin : l’apogée de consommation mondiale se trouve déjà derrière nous, tandis que la production mondiale et le capital d’investissement mondial atteignent actuellement leur sommet.

En examinant la structure démographique américaine, on constate que les mêmes tendances se manifestent, sauf en ce qui concerne la population issue de la génération Y (les « milléniaux »), l’une des plus robustes au monde. La densité de ce segment de population garantit que le modèle économique américain, fondé sur la consommation, résistera à la tempête.

Parallèlement, le Mexique possède un profil démographique solide axé sur la consommation. Sa jeune population peu qualifiée permet au pays d’exceller dans le secteur de la fabrication et de l’assemblage à faible valeur ajoutée, laissant ainsi les processus et la conception à forte valeur ajoutée aux États-Unis. En outre, les consommateurs mexicains comptent sur un niveau élevé d’exportations américaines. En 2019, le Mexique est devenu le premier partenaire commercial des États-Unis, position qu’il n’est pas près d’abandonner.

En revanche, la structure démographique du Canada est composée principalement de travailleurs âgés de quarante à soixante-cinq ans, instruits et de grande valeur. Comme le pays ne dispose pas d’un volume suffisant de consommateurs dans la tranche d’âge nécessaire pour augmenter la consommation (les vingt à trente ans), il devra compter sur l'exportation de ses biens, ce qui fait de lui un concurrent économique des États-Unis.

Quelles sont les grandes tendances mondiales et quelle incidence auront-elles sur les industries canadiennes?

Agriculture

Les modèles agricoles modernes résultent de trois facteurs distincts : un commerce mondial à faible risque, une demande asiatique illimitée et un crédit à faible coût illimité. Lorsque le commerce international s’effrite, la demande faiblit, marquant ainsi l’émergence d’un nouveau défi pour la chaîne d’approvisionnement.

Contrairement à de nombreux autres pays du monde, le Canada a le dessus, car les producteurs agroalimentaires sont dans une position unique qui leur permet de vendre au meilleur prix n’importe où dans le monde, la saison des récoltes au pays ne suivant pas les tendances de la consommation mondiale. Par conséquent, l’industrie agroalimentaire canadienne deviendra inévitablement l’un des principaux producteurs  alimentaire mondial.  

Énergie

Les États-Unis ont réduit le seuil de rentabilité de la production de pétrole de schiste à moins de 45 $ le baril, ce qui a fait baisser le prix du gaz naturel, un sous-produit de ces projets pétroliers. Celui-ci a supplanté le pétrole et le charbon comme principale source d’électricité aux États-Unis en raison de son abondance et de son faible coût, ce qui a propulsé  les États-Unis dans une nouvelle phase d’industrialisation axée sur le gaz naturel.

C’est à la fois le meilleur et le pire des scénarios pour le Canada. D’une part, le gaz naturel américain est vendu au Québec à des prix comparables à ceux de l’hydroélectricité québécoise, ce qui donne au Canada l’accès à une autre ressource énergétique peu coûteuse.

D’autre part, les ventes énergétiques constituent la plus grande unité d’exportation du Canada, et les taxes sur l’énergie financent une grande partie du budget fédéral. De plus, l’Alberta est soumise à une nouvelle tarification où le prix minimum de l’énergie américaine est fixé à 45 $. Tous ces facteurs créent un environnement concurrentiel particulièrement exigeant.

Secteur manufacturier

Pour exceller dans l’ordre mondial en mutation, le Canada devra s’engager plus fermement avec les entreprises américaines et combiner ses efforts dans divers secteurs économiques, notamment l’aérospatiale. Cela exigera très probablement des décisions politiques difficiles, car le Canada doit faire face à une concurrence américaine accrue dans ce secteur. La principale entreprise aérospatiale du Québec, Bombardier, se trouve au cœur de cette question puisqu’elle est assujettie à de lourds tarifs douaniers en raison de ses liens avec l’entreprise aérospatiale britannique Airbus.

Par ailleurs, le Canada devra également produire des flux de produits fondamentalement différents, et le conseil de M. Zeihan est d’emprunter maintenant pendant que les taux sont bas : « Nous sommes en bout de piste. Si vous devez emprunter pour outiller de nouveau vos installations industrielles, c’est le moment de le faire; en 2023, il sera surement trop tard. »

Infrastructures

M. Zeihan a fait remarquer que la fuite des capitaux vers le Canada va générer une source importante de financement. Les Chinois ont déplacé plus de 2,5 billions de dollars hors de la Chine au cours de la dernière année. Selon lui, rien n’empêche le Canada de mettre la main sur une part plus importante de ces capitaux et d’empêcher qu’ils ne tombent entièrement dans l’immobilier résidentiel. Le Canada doit envisager de créer des produits financiers qui permettront de tirer profit de cet afflux de capitaux dans le pays et de le canaliser vers le développement d’infrastructures dont le pays a tant besoin.

Technologie

Le Canada doit envisager d’appliquer des solutions technologiques afin de relever les défis découlant du rapport disproportionné entre les jeunes (consommateurs) et les personnes âgées (retraités) au sein de sa structure démographique. Le Canada possède la quatrième société vieillissant le plus rapidement au monde et le système de soins aux aînés exercera une pression énorme sur les ressources en réponse à cette croissance. La clé pour le pays est donc de trouver comment automatiser les processus qui ne le sont pas encore. M. Zeihan a suggéré que le Canada devrait emprunter abondamment afin de mettre en œuvre et de piloter des technologies qui existent déjà, comme celles explorées au Japon au cours des 30 dernières années, ce qui libérerait sa future main-d’œuvre pour qu’elle puisse se consacrer à des tâches de plus haut niveau.

Peter Zeihan a conclu le webinaire en recadrant la conversation sur la manière dont les entreprises peuvent se réorienter pour réussir dans un contexte post-pandémique et post-mondialisation, alors que la disponibilité du capital deviendra un facteur limitant critique pour l’hémisphère occidental au cours des 30 prochaines années.

Son message le plus significatif est le suivant : « empruntez beaucoup et empruntez maintenant ». Selon lui, les entreprises devront consolider leurs efforts afin d’obtenir des capitaux à l’avenir, puisque les conditions d’emprunt qui existent aujourd’hui ne se reproduiront plus jamais.

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