Cet article est le deuxième d’une série de trois
Dans la première partie de notre série sur les enquêtes virtuelles en milieu de travail, nous nous sommes attardés aux incidences de la pandémie de la COVID-19 sur les enquêtes en milieu de travail et sur les raisons pour lesquelles la procédure virtuelle se présentait alors comme une option intéressante.
Dans cette deuxième partie, nous aborderons plus en détail les pratiques optimales en matière d’enquêtes virtuelles. Si les principes traditionnels demeurent généralement à propos, l’enquêteur en virtuel bien avisé gardera à l’esprit les lignes directrices qui suivent.
Partie II – Pratiques optimales
Connaître ses outils
L'enquêteur doit d’abord être à l’aise avec la plateforme virtuelle choisie avant de rencontrer son premier témoin1. Il doit notamment s’assurer de bien maîtriser les fonctions « vidéo » et « sourdine », et être prêt à fournir une assistance technique à son témoin. En effet, les difficultés techniques peuvent compromettre le rythme de la rencontre, ce que l’enquêteur voudra éviter en se familiarisant d’avance avec la technologie.
L'enquêteur devrait également prévoir un processus afin de recueillir la preuve documentaire par voie électronique, de manière efficace et sûre, et être prêt à expliquer le processus au témoin.
Établir un contact, face à « FaceTime »
L’enquêteur devrait faire un effort pour comprendre les circonstances et l’état d'esprit de son témoin, puisque cela pourrait influencer la rencontre. Pour ce faire, l’enquêteur doit notamment tenir compte de ce qui suit :
- Le témoin a-t-il dû prendre des arrangements pour la garde de ses enfants afin d’assister à l’entretien qui limiteraient ainsi son temps avec l'enquêteur?
- Le témoin est-il mal à l’aise avec l’aspect technologique de l’entretien?
- Le témoin souffre-t-il d'un handicap visuel, auditif ou autre qui pourrait entraver la communication?
- L’apparence, l’environnement et le langage corporel de l’enquêteur sont-ils accueillants, ou sont-ils dérangeants et intimidants?
Si le témoin estime que l’enquêteur s’est efforcé de le mettre à l’aise, cela pourra aider à créer un contact virtuel favorable. Bien qu’un tel contact puisse être plus difficile à établir et à maintenir par écrans d’ordinateur interposés, il est néanmoins important de le cultiver, car il favorisera généralement une divulgation plus ouverte et une rencontre plus fructueuse.
Savoir quand utiliser le téléphone
Bien qu’un entretien visuel soit généralement préférable, il n’est pas toujours nécessaire. Un entretien téléphonique peut être approprié et justifiable dans certaines circonstances, notamment dans les cas suivants :
- La participation du témoin n’est pertinente qu’à des fins de corroboration spécifique et limitée;
- Le champ des questions est très étroit (une ou deux allégations secondaires);
- Le témoin refuse un entretien virtuel et ne peut être contraint (par exemple, il n’est pas un employé de l’entreprise concernée).
Nonobstant ce qui précède, un entretien téléphonique n’est généralement pas recommandé pour les plaignant(e)s et les mis(es) en cause. En effet, comme ce sont les principaux acteurs de la plainte, l’enquêteur voudra recueillir le plus de renseignements possible sur eux et sur leur version des faits, y compris ceux qui sont intangibles comme les indices visuels, le langage corporel et le comportement2.
S’il est nécessaire de rencontrer les plaignant(e)s ou les mis(e)s en causes par téléphone (par exemple, si l'alternative est de ne pas avoir de rencontre du tout), certaines précautions doivent être prises. Notamment, l’enquêteur devrait obtenir une déclaration écrite de la partie, indiquant que l’entretien sera mené par téléphone à sa demande expresse. Qui plus est, le rapport d’enquête devra faire les distinctions appropriées, en mentionnant comment chaque témoin a été rencontré et les raisons de ce choix.
Confidentialité et intégrité
Dans un entretien virtuel, l’enquêteur ne contrôle pas l’environnement du témoin, ce qui peut engendrer des défis.
Tout d’abord, l'enquêteur doit confirmer avec le témoin que ce dernier n’enregistre pas l’échange et que personne d’autre n’est présent dans la pièce. Avant la rencontre, l’enquêteur doit également vérifier si un autre employé de l’entreprise habite avec le témoin (ou est présent dans la pièce où se trouve le témoin). Ceci permet d’éviter toute violation involontaire de la confidentialité de l’affaire.
Quoi qu’il en soit, le témoin doit être seul pendant son entretien, afin de s’assurer que son témoignage n’est pas influencé ni manipulé par quiconque. Si le témoin est représenté par un avocat, il doit s’abstenir d’envoyer des courriels à celui-ci ou de communiquer de toute autre manière avec lui (ou tout autre tiers) pendant la rencontre.
Dans les circonstances où il est approprié de demander au témoin de signer un engagement de confidentialité avant de débuter, l’enquêteur doit s’assurer d’avoir ce document prêt à être envoyé dès le début de la rencontre. Il est préférable d’utiliser un engagement par courriel, car il peut être rempli rapidement, sans que le témoin ait besoin de manipuler du papier.
Conclusion
En conclusion, le cadre virtuel exige de l’enquêteur qu’il soit souple et vigilant et qu’il adapte ses méthodes aux circonstances qui peuvent être hors de son contrôle. Le principal défi demeure de trouver le juste équilibre entre le pragmatisme et la rigueur, au cœur de cette nouvelle réalité en constante évolution.
À venir dans cette série
Partie I - Reporter l’enquête ou procéder par moyens virtuels
Partie III – Sommes-nous aptes à détecter le mensonge? (Évaluer la crédibilité en contexte virtuel)
1 Le terme « témoin » tel qu’employé ici fait référence à toute personne qui pourrait être interrogée dans le cadre d’une plainte, y compris le ou la plaignant(e) et le ou la mis(e) en cause.
2 Nous vous invitons à consulter la Partie III de cette série pour prendre connaissance de nos commentaires sur l’évaluation de la crédibilité des témoins dans le contexte des enquêtes virtuelles [à venir].